LA CHANSON DES VIEUX AMANTS
(4:29) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest) - © 1967
Bien sûr nous eûmes des orages
Vingt ans d'amour c'est l'amour fol
Mille fois tu pris ton bagage
Mille fois je pris mon envol
Et chaque meuble se souvient
Dans cette chambre sans berceau
Des éclats des vieilles tempêtes
Plus rien ne ressemblait à rien
Tu avais perdu le gout de l'eau
Et moi celui de la conquête
Mais mon amour
Mon doux mon tendre mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore tu sais je t'aime
Moi je sais tes sortilèges
Tu sais tous me envoûtements
Tu m'a gardé de piège en piège
Je t'ai perdue de temps en temps
Bien sûr tu pris quelques amants
Il faillait bien passer le temps
Il faut bien que le corps exulte
Finalement finalement
Il nous fallut bien du talent
Pour étre vieux sans étre adultes
O mon amour
Mon doux mon tendre mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore tu sais je t'aime
Et plus le temps nous fait cortège
Et plus le temps nous fait tourment
Mais n'est-ce pas le pire piège
Que vivre en paix pour des amants
Bien sûr tu pleures un peu moins tôt
Je me déchire un peu plus tard
Nous protégeons moins nos mystères
On laisse moins faire le hasard
On se méfie du fil de l'eau
Mais c'est toujours la tendre guerre
O mon amour....
Mon doux mon tendre mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore tu sais je t'aime.
À JEUN
(3:36) (Jacques Brel / Gérard Jouannest) - © 1967
Parfaitement à jeun
Vous me voyez surpris
De ne pas trouver mon lit, ici
Parfaitement à jeun
Je le vois qui recule
Je le vois qui bascule aussi
Guilli,guilli, guilli
Viens là mon petit lit
Si tu ne viens pas à moi
C'est pas moi qu'irai t'à toi
Mais, qui n'avance pas recule
Comme dit Monsieur Dupneu
Un mec qui articule
Et qui est chef du contentieux
Parfaitement à jeun
Je reviens d'une belle fête
J'ai enterré Huguette ce matin
Parfaitement à jeun
J'ai fait semblant de pleurer
Pour ne pas faire rater la fête
Z'étaient tous en noir
Les voisins, les amis
Il n'y avait que moi qui étais gris
Dans cette foire
Y' avait beau maman, belle papa
Z'avez pas vu Mirza ?
Et puis Monsieur Dupneu
Qui est chef du contentieux
Parfaitement à jeun
En enterrant ma femme
J'ai surtout enterré la maîtresse d'André
Je ne l'ai su que ce matin
Et par un enfant de choeur
Qui me racontait que sa soeur, enfin
Il me reste deux solutions
Ou bien frapper André
Ou bien gnougnougnaffer la femme d'André
Sur son balcon
Ou bien rester chez moi
Feu cocu mais joyeux
C'est ce que me conseille André
André, André Dupneu
Qui est mon chef du contentieux
Parfaitement à jeun.
Vous me voyez surpris
De ne pas trouver mon lit ici
FILS DE...
(3:48) (Jacques Brel / Gérard Jouannest) - © 1967
Fils de bourgeois ou fils d'apôtre
Tous les enfants sont comme les vôtres
Fils de César ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien
Le même sourire, les mêmes larmes
Les mêmes alarmes, les mêmes soupirs
Fils de César ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien
Ce n'est qu'après, longtemps après...
Mais fils de Sultan fils de fakir
Tous les enfants ont un empire
Sous voûte d'or sous toit de chaume
Tous les enfants ont un royaume
Un coin de vague, une fleur qui tremble
Un oiseau mort qui leur ressemble
Fils de sultan, fils de fakir
Tous les enfants ont un empire
Ce n'est qu'après, longtemps après...
Mais fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
Fils de l'amour fils d'amourette
Tous les enfants sont des poètes
Ils sont bergers ils sont fois mages
Ils ont des nuages pour mieux voler
Fils de ton fils ou fils d'étranger
Tous les enfants sont des sorciers
Ce n'est qu'après, longtemps après...
Mais fils de bourgeois ou fils d'apôtre
Tous les enfants sont comme les vôtres
Fils de César ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien
Les mêmes sourires, les mêmes larmes
Les mêmes alarmes, les mêmes soupirs
Fils de César ou fils de rien
Tous les enfants sont comme le tien ...
MON PÈRE DISAIT
(3:05) (Jacques Brel) - © 1967
Mon Père disait
C'est le vent du Nord
Qui fait craquer les digues
A Scheveningen
A Scheveningen
Tellement fort
Ou'on ne sait plus qui navigue
La mer du Nord
Ou bien les digues
C'est le vent du Nord
Qui transperce les yeux
Des hommes du Nord
Jeunes ou vieux
Pour faire chanter
Des carillons de bleu
Venus du Nord
Au fond de leurs yeux
Mon Père disait
C'est le vent du Nord
Qui fait tourner la terre
Autour de Bruges
Autour de Bruges petit
C'est le vent du Nord
Qui a raboté la terre
Autour des tours
Des tours de Bruges
Et qui fait que nos filles
Ont le regard tranquille
Des vieilles villes
Des vieilles villes
Qui fait que nos belles
Ont le cheveu fragile
De nos dentelles
De nos dentelles
Mon Père disait
C'est le vent du Nord
Qui fait craquer la terre
Entre Zeebrugge
Entre Zeebrugge petit
C'est le vent du Nord
Qui a fait craquer la terre
Entre Zeebrugge
Et l'Angleterre
Et Londres n'est plus
Comme avant le déluge
Le point de Bruges
Narguant la mer
Londres n'est plus
Que le faubourg de Bruges
Perdu en mer
Perdu en mer
Mais mon Père disait
C'est le vent du Nord
Oui portera en terre
Mon corps sans âme
Et sans colère
C'est le vent du Nord
Qui portera en terre
Mon corps sans âme
Face à la mer
C'est le vent du Nord
Qui me fera capitaine
D'un brise-lames
Ou d'une baleine
C'est le vent du Nord
Qui me fera capitaine
D'un brise-larmes
Pour ceux que j'aime.
LE GAZ
(2:54) (Jacques Brel / Gérard Jouannest) - © 1967
Tu habites rue de la Madone
Une maison qui se déhanche
Une maison qui se tirebouchonne
Et qui pleure à grosses planches
L'escalier colimaçonne
C'est pas grand mais y a de la place
Tu habites rue de la Madone
Et moi moi je viens pour le gaz
Tu as un boudoir plein de bouddhas
Les bougies dansent dans leurs bougeoirs
Ça sent bon c'est sans histoires
Ça ruisselle de taffetas
C'est rempli de photos de toi
Qui sommeilles devant la glace
Tu as un boudoir plein de bouddhas
Et moi moi je viens pour le gaz
Tu as un vrai divan de roi
Un vrai divan de diva
Du porto que tu rapportas
De la Porte des Lilas
Tu as un petit chien et un grand chat
Un phono qui joue du jazz
Tu as un vrai divan de roi
Et moi moi je viens pour le gaz
Tu as des seins comme des soleils
Comme des fruits comme des reposoirs
Tu as des seins comme des miroirs
Comme des fruits comme du miel
Tu les recouvres tout devient noir
Tu les découvres et je deviens Pégase
Tu as des seins comme des trottoirs
Et moi moi je viens pour le gaz
Et puis chez toi y a le plombier
Y a le bedeau et y a le facteur
Le docteur qui fait le café
Le notaire qui sert les liqueurs
Y a la moitié d'un artilleur
Y a un poète de Carpentras
Y a quelques flics et puis la main de ma soeur
Et tout ça est là pour le gaz
Allez-y donc tous rue de la Madone
C'est pas grand mais y a de la place
Allez-y donc tous rue de la Madone
Et dites bien que c'est pour le gaz.
L'OSTENDAISE
(4:48) (Jacques Brel / François Rauber) - © 1968
Une Ostendaise
Pleure sur sa chaise
Le chat soupèse
Son poids d'amour
Dans le silence
Son chagrin danse
Et les vieux pensent
Chacun son tour
A la cuisine
Quelques voisines
Parlent de Chine
Et d'un retour
A Singapour
Une Javanaise
Devient belle-soeur
De l'Ostendaise
Il y a deux sortes de temps
Y a le temps qui attend
Et le temps qui espère
Il y a deux sortes de gens
Il y a les vivants
Et ceux qui sont en mer
Notre Ostendaise
Que rien n'apaise
De chaises en chaises
Va sa blessure
Quelques commères
Quelques compères
Battent le fer
De sa brisure
Son capitaine
Sous sa bedaine
De bière pleine
Bat le tambour
Homme de voiles
Homme d'étoiles
Il prend l'escale
Pour un détour
Notre Ostendaise
Au temps des fraises
Devint maîtresse
D'un pharmacien
Son capitaine
Mort sous bedaine
Joue les baleines
Les sous-marins
Pourquoi ma douce
Moi le faux mousse
Que le temps pousse
T'écrire de loin
C'est que je t'aime
Et tant je t'aime
Qu'ai peur ma reine
D'un pharmacien
Il y a deux sortes de temps
Y a le temps qui attend
Et le temps qui espère
Il y a deux sortes de gens
Il y a les vivants
Et moi je suis en mer.
JE SUIS UN SOIR D'ÉTÉ
(4:10) (Jacques Brel) - © 1968
Et la sous-préfecture
Fête la sous-préfète
Sous le lustre à facettes
Il pleut des orangeades
Et des champagnes tièdes
Et les propos glacés
Des femelles maussades
De fonctionnarisés
Je suis un soir d'été
Aux fenêtres ouvertes
Les dîneurs familiaux
Repoussent leurs assiettes
Et disent qu'il fait chaud
Les hommes lancent des rots
De chevaliers teutons
Les nappes tombent en miettes
Par-dessus les balcons
Je suis un soir d'été
Aux terrasses brouillées
Quelques buveurs humides
Parlent de haridelles
Et de vieilles perfides
C'est l'heure où les bretelles
Soutiennent le présent
Des passants répandus
Et des alcoolisants
Je suis un soir d'été
De lourdes amoureuses
Aux odeurs de cuisine
Promènent leur poitrine
Sur les flancs de la Meuse
Il leur manque un soldat
Pour que l'été ripaille
Et monte vaille que vaille
Jusqu'en haut de leurs bas
Je suis un soir d'été
Aux fontaines les vieux
Bardés de références
Rebroussent leur enfance
A petits pas pluvieux
Ils rient de toute une dent
Pour croquer le silence
Autour des filles qui dansent
A la mort d'un printemps
Je suis un soir d'été
La chaleur se vertèbre
Il fleuve des ivresses
L'été a ses grand-messes
Et la nuit les célèbre
La ville aux quatre vents
Clignote le remords
Inutile et passant
De n'être pas un port
Je suis un soir d'été.
UN ENFANT
(3:44) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest) - © 1968
Un enfant
Ça vous décroche un rêve
Ça le porte à ses lèvres
Et ça part en chantant
Un enfant
Avec un peu de chance
Ça entend le silence
Et ça pleure des diamants
Et ça rit à n'en savoir que faire
Et ça pleure en nous voyant pleurer
Ça s'endort de l'or sous les paupières
Et ça dort pour mieux nous faire rêver
Un enfant
Ça écoute le merle
Qui dépose ses perles
Sur la portée du vent
Un enfant
C'est le dernier poète
D'un monde qui s'entête
A vouloir devenir grand
Et ça demande si les nuages ont des ailes
Et ça s'inquiète d'une neige tombée
Et ça croit que nous sommes fidèles
Et ça se doute qu'il n'y a plus de fées
Mais un enfant
Et nous fuyons l'enfance
Un enfant
Et nous voilà passants
Un enfant
Et nous voilà patience
Un enfant
Et nous voilà passés.
COMMENT TUER L'AMANT DE SA FEMME
(2:39) (Jacques Brel / Gérard Jouannest) - © 1968
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a été comme moi
Elevé dans les traditions
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a été comme moi
Elevé dans la religion
Il me faudrait du temps
Mais du temps je n'en ai pas
Pour elle je travaille tout le temps
La nuit je veille la nuit
Le jour je veille le jour
Le dimanche je fais des extras
Et même si j'etais moins lâche
Je trouve que ce serait domage
De salir ma réputation
Bien sûr je dors dans la garage
Bien sûr ils dorment dans mon lit
Bien sûr c'est moi qui fait le ménage
Mais qui n'as pas ses petits soucis
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a été comme moi
Elevé dans les traditions
Y'a l'arsenic oui c'est trop long
Y a le revolver mais c'est trop court
Y a l'amitié mais c'est trop cher
Y a le mépris c'est un péché
Comment tuer l'amant de sa femme
Quand on a reçu comme moi
La croix d'honneur chez les bonnes soeurs
Comment tuer l'amant de sa femme
Moi qui n'ose même pas
Le lui dire avec des fleurs
Comme je n'ai pas le courage
De l'insulter tout le temps
Il dit que l'amour le rend imprévoyant
S'il croit que c'est amusant
Pour un homme qui a mon âge
Qui n'a plus de femme et onze enfants
Bien sûr je leur fais la cuisine
Je bats les chiens et les tapis
Le soir je leur chante "Nuits de Chine"
Mais qui n'a pas ses petits soucis
Pourquoi tuer l'amant de sa femme
Puisque c'est à cause de moi
Qu'il est un peu vérolé
Pourquoi tuer l'amant de sa femme
Puisque c'est à cause de moi
Qu'il est pénicilliné.
VESOUL
(3:09) (Jacques Brel) - © 1968
T'as voulu voir Vierzon
Et on a vu Vierzon
T'as voulu voir Vesoul
Et on a vu Vesoul
T'as voulu voir Honfleur
Et on a vu Honfleur
T'as voulu voir Hambourg
Et on a vu Hambourg
J'ai voulu voir Anvers
On a revu Hambourg
J'ai voulu voir ta soeur
Et on a vu ta mère
Comme toujours
T'as plus aimé Vierzon
On a quitté Vierzon
T'as plus aimé Vesoul
On a quitté Vierzon
T'as plus aimé Honfleur
On a quitté Honfleur
T'as plus aimé Hambourg
On a quitté Hambourg
T'as voulu voir Anvers
On a vu que ses faubourgs
T'as plus aimé ta mère
On a quitté ta soeur
Comme toujours
Mais je te le dis
Je n'irai pas plus loin
Mais je te préviens
J'irai pas à Paris
D'ailleurs j'ai horreur
De tous les flonflons
De la valse musette
Et de l'accordéon
T'as voulu voir Paris
Et on a vu Paris
T'as voulu voir Dutronc
Et on a vu Dutronc
J'ai voulu voir ta soeur
J'ai vu le mont Valérien
T'as voulu voir Hortense
Elle était dans le Cantal
Je voulais voir Byzance
Et on a vu Pigalle
A la gare St-Lazare
J'ai vu les fleurs du mal
Par hasard
T'as plus aimé Paris
On a quitté Paris
T'as plus aimé Dutronc
On a quitté Dutronc
Maintenant je confonds ta soeur
Et le mont Valérien
De ce que je sais d'Hortense
J'irai plus dans le Cantal
Et tant pis pour Byzance
Puisque j'ai vu Pigalle
Et la gare St-Lazare
C'est cher et ça fait mal
Au hasard
Mais je te le redis
Je n'irai pas plus loin
Mais je te préviens
Le voyage est fini
D'ailleurs j'ai horreur
De tous les flonflons
De la valse musette
Et de l'accordéon.
J'ARRIVE
(4:46) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest) - © 1968
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Nos amitiés sont en partance
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
La mort potence nos dulcinées
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Les autres fleurs font ce qu'elles peuvent
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
Les hommes pleurent les femmes pleuvent
J'arrive j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois traîner mes os
Jusqu'au soleil jusqu'à l'été
Jusqu'au printemps jusqu'à demain
J'arrive j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois voir si le fleuve
Est encore fleuve voir si le port
Est encore port m'y voir encore
J'arrive j'arrive
Mais pourquoi moi pourquoi maintenant
Pourquoi déjà et où aller
J'arrive bien sûr, j'arrive
Mais ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
A chaque fois plus solitaire
De chrysanthèmes en chrysanthèmes
A chaque fois surnuméraire
J'arrive j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois prendre un amour
Comme on prend le train pour plus être seul
Pour être ailleurs pour être bien
J'arrive j'arrive
Mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé
Encore une fois remplir d'étoiles
Un corps qui tremble et tomber mort
Brûlé d'amour le cœur en cendres
J'arrive j'arrive
C'est même pas toi qui es en avance
C'est déjà moi qui suis en retard
J'arrive, bien sûr j'arrive
Mais ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver.
LA BIÈRE
(3:13) (Jacques Brel) - © 1968
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière, Dieu qu'on est bien
Ça sent la bière de Londres à Berlin
Ça sent la bière donne-moi la main
C'est plein d'Uylenspiegel
Et de ses cousins
Et d'arrières cousins
De Breughel l'ancien
C'est plein d'vent du Nord
Qui mord comme un chien
Le port qui dort
Le ventre plein
C'est plein de verres pleins
Qui vont à kermesse
Comme vont à messe
Vieilles au matin
C'est plein de jours morts
Et d'amours gelées
Chez nous y a qu'l'été
Qu' les filles aient un corps
C'est plein d'finissants
Qui soignent leurs souvenirs
En mouillant de rires
Leur poiluchons blancs
C'est plein d'débutants
Qui soignent leur vérole
En caracolant
De "prosit" en "Schol"
C'est plein de'"Godferdomme"
C'est plein d'Amsterdam
C'est plein de mains d'homme
Aux croupes des femmes
C'est plein de mémères
Qui ont depuis toujours
Un sein pour la bière
Un sein pour l'amour
C'est plein d'horizon
A vous rendre fou
Mais l'alcool est blond
Le diable est à nous
Les gens sans Espagne
Ont besoin des deux
On fait des montagnes
Avec ce qu'on peut.
L'ÉCLUSIER
(4:19) (Jacques Brel) - © 1968
Les mariniers me voient vieillir
Je vois vieillir les mariniers
On joue au jeu des imbéciles
Où l'immobile est le plus vieux
Dans mon métier, même en été
Faut voyager les yeux fermés
Ce n'est pas rien d'être éclusier
Les mariniers savent ma trogne
Ils me plaisantent et ils ont tort
Moitié sorcier, moitié ivrogne
Je jette un sort à tout ce qui chante
Dans mon métier c'est en automne
Qu'on cueille les pommes et les noyés
Ce n'est pas rien d'être éclusier
Dans son panier un enfant louche
Pour voir la mouche qu'est sur son nez
Maman ronronne, le temps soupire
Le chou transpire, le feu ronchonne
Dans mon métier c'est en hiver
Qu'on pense au père qui s'est noyé
Ce n'est pas rien d'être éclusier
Vers le printemps les marinières
Me font des manières de leur chaland
J'aimerais leurs jeux sans cette guerre
Qui m'a un peu trop abîmé
Dans mon métier c'est au printemps
Qu'on prend le temps de se noyer.
REGARDE BIEN PETIT
(4:39) (Jacques Brel) - © 1968
Regarde bien petit, regarde bien
Sur la plaine là-bas
A hauteur des roseaux
Entre ciel et moulin
Y a un homme qui vient
Que je ne connais pas
Regarde bien petit, regarde bien
Est-ce un lointain voisin
Un voyageur perdu
Un revenant de guerre
Un montreur de dentelles
Est-ce un abbé porteur
De ces fausses nouvelles
Qui aident à vieillir
Est-ce mon frère qui vient
Me dire qu'il est temps
D'un peu moins nous haïr
ou n'est-ce que le vent
qui gonfle un peu le sable
Et forme des mirages
Pour nous passer le temps
Ce n'est pas un voisin
Son cheval est trop fier
Pour être de ce coin
Ou revenir de guerre
Ce n'est pas un abbé
Son cheval est trop pauvre
Pour être paroissien
Ce n'est pas un marchand
Son cheval est trop clair
Son habit est trop blanc
Et aucun voyageur
N'a plus passé le pont
Depuis la mort du père
Ni ne sait nos prénoms
Non ce n'est pas mon frère
Son cheval aurait bu
Non ce n'est pas mon frère
Il ne l'oserait plus
Il n'est plus rien ici
Qui puisse le servir
Non ce n'est pas mon frère
Mon frère a pu mourir
Cette ombre de midi
Aurait plus de tourment
S'il s'agissait de lui
Allons c'est bien le vent
Qui gonfle un peu le sable
Pour nous passer le temps
Regarde bien petit, regarde bien
Sur la plaine là-bas
A hauteur des roseaux
Entre ciel et moulin
Y a un homme qui part
Que nous ne saurons pas
Regarde bien petit, regarde bien
Il faut sécher tes larmes
Y a un homme qui part
Que nous ne saurons pas
Tu peux ranger les armes.
LA QUÊTE
(2:38) (Joe Darion - paroles françaises Jacques Brel / Mitch Leigh) - © 1968
Réver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d'une possible fièvre
Partir où personne ne part
Aimer jusqu'à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D'atteindre l'inaccessible étoile
Telle est ma quête,
Suivre l'étoile
Peu m'importent mes chances
Peu m'importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l'or d'un mot d'amour
Je ne sais si je serai ce héros
Mais mon cœur serait tranquille
Et les villes s'éclabousseraient de bleu
Parce qu'un malheureux
Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s'en écarteler
Pour atteindre l'inaccessible étoile.
MIJN VLAKKE LAND
(2:54) (Jacques Brel) - © 1976
Wanneer de Noordzee koppig breektAan hoge duinen en witte vloken schuimen
Uiteen slaan op de kluinenWanneer de norse vloed beuktAan het zwart basalt
En over dijk en duin de grijze de nevel valt
Wanneer bij eb het strand woest is als een woestijn
En natte westen winde giren van venijnDan vecht mijn land mijn vlakke land
Wanneer de regen daalt op straten plein en perken
Op dak en toren spits van hemel hoge kerken
Die in dit vlakke land de enige bergen zijn
Wanneer onder de wolken mensen dwergen zijn
Wanneer de dagen gaan in domme regelmaat
En bolle oosten wind het land nog vlakker slaat
Dan wacht mijn land mijn vlakke land
Wanneer de lage lucht vlak over het water scheert
Wanneer de lage lucht ons nederigheid leert
Wanneer de lage lucht grijs als leisteen is
Wanneer de lage lucht er val als keiling is
Wanneer de noordewind de vlakte vieren deelt
Wanneer de noordewind er onze adem steeltDan kraakt mijn land, mijn vlakke land
Wanneer de schelde blinkt in zuidelijke zon
En elke vlaamse vrouw flaneerd in zon japon
Wanneer de eerste spin zijn lente weppen weeft
Of dampende het weld in jullie zonlicht beeft
Wanneer de zuidewind schatterd door het graan
Wanneer de zuidewind er jubeld langst de laan
Dan juigt mijn land mijn vlakke land
DE BURGERIJ
(3:03) (Jacques Brel / Jean Corti) - © 1976
Dronken, dol en dwaas
Beet ik in mijn bier
Bij de dikke Siaam uit Monverland
Ik dronk een glas met Klaas
Ik dronk een glas met Peer
En sprong er aardig uit de band
Die klaas hij voelde zich een Dante
Die Peer wou Casanova zijn
En ik de superarrogante
Ik dacht dat ik mezelf kon zijn
En om twaalf uur als de burgertroep
Huisging uit hotel de Goudfazant
Dan scholden wij ze poep
En zongen vol vuur
pet in de hand
Burgerij, mannen van het jaar nul
Vette burgerklik
Vette vieze varkens
Burgerij tamme zwijnenspul
Al die burger is is een ouwe ...
Dronken, dol en dwaas
Beet ik in mijn bier
Bij de dikke Siaam uit Monverland
Ik dronk een vat met Klaas
Ik dronk een fust met Peer
En sprong er heftig uit de band
Klaas Dante danste als mijn tante
En Casanova was te bang
Maar ik de superarrogante
Was zelfs voor mezelf niet bang
En om twaalf uur als de burgertroep
Huisging uit hotel de Goudfazant
Dan scholden wij ze poep
En zongen vol vuur
pet in de hand
Burgerij, mannen van het jaar nul
Vette burgerklik
Vette vieze varkens
Burgerij tamme zwijnenspul
Al die burger is is een ouwe ...
Elk instinct dwaas
Zoek ik mijn vertier
's Avonds in hotel de Goudfazant
Met meester-facteur Klaas
En met notaris Peer bespreek ik daar de avondkrant
En Klaas citeert eens wat uit Dante
Of Peer haalt Casanova aan
En ik ik bleef de superarrogante
Ik haal nog steeds mijn eigen woorden aan
Maar gaan wij naar huis
Meneer de brigadier
Dan staat daar bij die Siaam uit Monverland
Een hele troep gespuis
Dronken van al het bier
Dat zingt dan van
Burgerij, mannen van het jaar nul
Vette burgerklik
Vette vieze varkens
Ja meneer de brigadier
Ja dat zijn ze
Burgerij tamme zwijnenspul
Al die burger is is een ouwe ...
ROSA
(2:50) (Jacques Brel) - © 1976
DE NUTTELOZEN VAN DE NACHT
(4:16) (Jacques Brel / François Rauber) - © 1976
Ze ontwaken om een uur om vier
Ze ontbijten met een kleintje bier
Ze gaan uit omdat er thuis niets wacht
De nuttelozen van de nacht
Zij gedraagt zich arrogant omdat ze mooie borsten heeft
Hij is zeker en charmant omdat Papa hem centen geeft
Hun onmacht is hun hoogste macht
De nuttelozen van de nacht
Kom dans met mij
Vriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom Hier; nee, nee blijf!
Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf
Ze braken zonder ziek te zijn
Ze braken zacht en zonder pijn
Ze nemen zich bedroefd de nacht
De nuttelozen van de nacht
Ze bespreken zonder end
De poezie die geen van hen kent
De romans die geen van hen schreef
De vrouw die bij geen van hen bleef
De grap waarom geen van hen om lacht
De nuttelozen van de nacht
Kom dans met mij
Vriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier; nee, nee blijf!
Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf
In de liefde zijn ze zo berooid
't Was, 't was, ze was zo zacht
Ze was, ach, dat begrijp u nooit
De nuttelozen van de nacht
Ze nemen nog een laatste glas
Vertellen nog een laatste grap
En met een allerlaatste glas
De laatste dans
De laatste stap
Het laatste verdriet
De laatste klacht
De nuttelozen van de nacht
Kom, kom, kom huil met mij
Vriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier, nee blijf
Kom, kom huil met mij
Laat ons huilen lijf aan lijf
De nuttelozen van de nacht