AU CREUX DE MON ÉPAULE
(3:07) (C. Aznavour) - © 1954


Si je t'ai blessée
Si j'ai noirci ton passé
Viens pleurer au creux de mon épaule

Viens tout contre moi
Et si je fus maladroit
Je t'en prie chérie pardonne-moi

Laisse ta pudeur
Du plus profond de ton coeur
Viens pleurer au creux de mon épaule

Oublie si tu peux
Nos querelles d'amoureux
Et chérie nous pourrons être heureux

Oh mon amour
Ne m'enlève pas le souffle de ma vie
Ni mes joies
Pour ce qui ne fût qu'un instant de folie

Ne dis pas adieu
Nous serions trop malheureux
Viens pleurer au creux de mon épaule

Car si tu partais,
Si mon bonheur se brisait,
Mon amour c'est moi qui pleurerais

SA JEUNESSE
(4:45) (C. Aznavour) - © 1956


Lorsque l'on tient
Entre ses mains
Cette richesse
Avoir vingt ans, des lendemains
Pleins de promesses
Quand l'amour sur nous se penche
Pour nous offrir ses nuits blanches
Lorsque l'on voit
Loin devant soi
Rire la vie
Brodée d'espoir, riche de joie
Et de folie
Il faut boire jusqu'à l'ivresse
Sa jeunesse

Car tous les instants
De nos vingt ans
Nous sont comptés
Et jamais plus
Le temps perdu
Ne nous fait face
Il passe
Souvent en vain
On tend les mains
Et l'on regrette
Il est trop tard sur son chemin
Rien ne l'arrête

On ne peut garder sans cesse
Sa jeunesse

Avant que de sourire, nous quittons l'enfance
Avant que de savoir la jeunesse s'enfuit
Cela semble si court que l'on est tout surpris
Qu'avant que de comprendre, on quitte l'existence

Lorsque l'on tient
Entre ses mains
Cette richesse
Avoir vingt ans, des lendemains
Pleins de promesses
Quand l'amour sur nous se penche
Pour nous offrir ses nuits blanches
Lorsque l'on voit
Loin devant soi
Rire la vie
Brodée d'espoir, riche de joie
Et de folie
Il faut boire jusqu'à l'ivresse
Sa jeunesse

Car tous les instants
De nos vingt ans
Nous sont comptés
Et jamais plus
Le temps perdu
Ne nous fait face
Il passe
Souvent en vain
On tend les mains
Et l'on regrette
Il est trop tard sur son chemin
Rien ne l'arrête
On ne peut garder sans cesse
Sa jeunesse

SI JE N'AVAIS PLUS
(2:48) (C. Aznavour) - © 1958


Si je n'avais plus
Si ne n'avais plus
Plus qu'une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
Au creux de ton lit
Car j'aurais ma mie
Ma peur à combattre

Penché sur ta vie
Pour l'entendre battre
Je pourrais garder
Au fond de mon cœur
Sous la terre froide
Un peu de chaleur
Que j'emporterais

Si je n'avais plus
Si je n'avais plus
Plus qu'une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
A l'aube d'un jour
Sur un lit d'amour
Pour n'avoir à dire

Que des mots d'amour
Pour te voir sourire
Et ne plus penser
Et ne plus penser
Qu'un autre après moi
Te verras sourire
Qu'un autre après moi
Pourra t'enlacer
Et dans un baiser
Et dans un baiser
Le corps apaisé
Le cœur allégé
D'un million de doutes
Mon dernier sommeil
M'ouvrira la route
Qui mène au soleil

LE PALAIS DE NOS CHIMÈRES
(3:52) (C. Aznavour) - © 1955


Nous nous sommes mariés par un jour de printemps
Sans prêtre, sans mairie, sans amis, ni parents
Nous n'avions tout au plus elle et moi que vingt ans
Mais un désir d'adulte brûlait nos cœurs d'enfants

L'amour en une nuit émancipa nos cœurs
Nous étions enlacés tout honteux de bonheur
Dans nos yeux agrandis ne passait nulle peur
Car la jeunesse rit quand l'enfance se meurt

Le palais de nos chimères
Nous l'avions bâti sur l'horizon
Et nous ceinturions la terre
Elle et moi, comme des vagabonds

Pour s'abreuver à la source
De l'amour cet éternel printemps
Nous nous partagions la mousse
Du château de la rose des vents

À présent je suis seul je marche toujours
Mais quand je sentirai venir mon dernier jour
Sur la tombe où déjà repose mon amour
Heureux j'irai m'étendre et mourir à mon tour

Et sous la même croix nos deux corps dormiront
Nos yeux seront cernés par le même horizon
Et de la même terre nos bouches s'empliront
Quand pour l'éternité nos âmes s'uniront

Le palais de nos chimères
A croulé avec mes illusions
Et sous le poids de ses pierres
Se lézarde un cœur de vagabond

Mon passé qui me domine
Me pousse à errer par tous les temps
Et dormir parmi les ruines
Du château de la rose des vents

UNE ENFANT
(3:56) (C. Aznavour / C. Aznavour et R. Chauvigny) - © 1951


Refrain :
Une enfant
Une enfant de seize ans
Une enfant du printemps
Couchée sur le chemin

Elle vivait dans un de ces quartiers
Où tout le monde est riche à crever
Elle avait quitté ses parents
Pour suivre un garçon à bohème
Qui savait si bien dire je t'aime
Que ça en devenait bouleversant
Et leurs deux cœurs ensoleillés
Partirent sans laisser d'adresse
Emportant juste leur jeunesse
Et la douceur de leurs pêchés

Refrain

Son cœur n'avait pas de saison
Et ne voulait pas de prison
Tous deux vivaient au jour le jour
Ne restant jamais à la même place
Leurs cœurs avaient besoin d'espace
Pour contenir un tel amour
Son présent comme son futur
C'était cet amour magnifique
Qui la berçait comme un cantique
Et perdait ses yeux dans l'azur

Refrain

Mais son amour était trop grand
Trop grand pour l'âme d'une enfant
Elle ne vivait que par son cœur
Et son cœur se faisait un monde
Mais Dieu n'accepte pas les mondes
Dont il n'est pas le créateur
L'amour étant leur seul festin
Il la quitta pour quelques miettes
Alors sa vie battit en retraite
Et puis l'enfant connut la faim

Une enfant
Une enfant de seize ans
Une enfant du printemps
Couchée sur le chemin
Morte.

À MA FILLE
(3:35) (C. Aznavour) - © 1965


Je sais qu'un jour viendra
Car la vie le commande
Ce jour que j'appréhende
Où tu nous quitteras
Je sais qu'un jour viendra
Où triste et solitaire
En soutenant ta mère
Et en traînant mes pas
Je rentrerai chez nous
Dans un chez nous désert
Je rentrerai chez nous
Où tu ne seras pas

Toi tu ne verras rien des choses de mon coeur
Tes yeux seront crevés de joie et de bonheur
Et j'aurai un rictus que tu ne connais pas
Qui semble être un sourire ému mais ne l'est pas
En taisant ma douleur à ton bras fièrement
Je guiderai tes pas quoi que j'en pense ou dise
Dans le recueillement d'une paisible église
Pour aller te donner à l'homme de ton choix
Qui te dévêtira du nom qui est le nôtre
Pour t'en donner un autre
Que je ne connais pas

Je sais qu'un jour viendra
Tu atteindras cet âge
Où l'on force les cages
Ayant trouvé sa voie
Je sais qu'un jour viendra
L'âge t'aura fleurie
Et l'aube de ta vie
Ailleurs se lèvera
Et seul avec ta mère
Le jour comme la nuit
L'été comme l'hiver
Nous aurons un peu froid

Et lui qui ne sait rien du mal qu'on s'est donné
Lui qui n'aura rien fait pour mûrir tes années
Lui qui viendra voler ce dont j'ai le plus peur
Notre part de passé notre part de bonheur
Cet éranger sans nom sans visage, ô combien
Je le hais, et pourtant s'il doit te rendre heureuse
Je n'aurai envers lui, nulle pensée haineuse
Mais je lui offrirai mon coeur avec ta main
Je ferai tout cela en pensant que tu l'aimes
Simplement car je t'aime
Le jour où il viendra

NON JE N'AI RIEN OUBLIÉ
(6:29) (C. Aznavour / Georges Garvarentz) - © 1961


Je n'aurais jamais cru qu'on se rencontrerait
Le hasard est curieux il provoque les choses
Et le destin pressé un instant prend la pose
Non je n'ai rien oublié
Je souris malgré moi rien qu'à te regarder
Si les mois, les années marquent souvent les êtres
Toi, tu n'as pas changé, la coiffure peut-être
Non je n'ai rien oublié
Rien oublié
Marié, moi, allons donc je n'en ai nulle envie
J'aime ma liberté et puis de toi à moi
Je n'ai pas rencontré la femme de ma vie
Mais allons prendre un verre, et parle-moi de toi
Qu'as-tu fait de tes jours, es-tu riche et comblée
Tu vis seule à Paris, mais alors ce mariage
Entre nous tes parents ont dû crever de rage
Non je n'ai rien oublié

Qui m'aurait dit qu'un jour sans l'avoir provoqué
Le destin tout à coup nous mettrait face à face
Je croyais que tout meurt avec le temps qui passe
Non je n'ai rien oublié
Rien oublié
À l'âge où je portais mon amour pour toute arme
Ton père ayant pour toi bien d'autres ambitions
À brisé notre amour et fait jaillir nos larmes
Pour un mari choisi sur sa situation
J'ai voulu te revoir mais tu étais cloîtrée
Je t'ai écrit cent fois mais toujours sans réponse
Cela m'a pris longtemps avant que je renonce
Non je n'ai rien oublié

L'heure court et déjà le café va fermer
Viens je te raccompagne à travers les rues mortes
Comme au temps des baisers qu'on volait sous ta porte
Non je n'ai rien oublié
Chaque saison était notre saison d'aimer
Et nous ne redoutions ni l'hiver ni l'automne
C'est toujours le printemps quand nos vingt ans résonnent
Non je n'ai rien oublié
Rien oublié
Cela m'a fait du bien de sentir ta présence
Je me sens différent comme un peu plus léger
On a souvent besoin d'un bain d'adolescence
C'est doux de revenir aux sources du passé
Je voudrais, si tu veux, sans vouloir te forcer
Te revoir à nouveau, enfin... si c'est possible
Si tu en as envie, si tu es disponible
Si tu n'as rien oublié
Comme moi qui n'ai rien oublié

LA BOHÈME
(4:03) (Jacques Plante / C. Aznavour) - © 1965


Je vous parle d'un temps
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître
Montmartre en ce temps là
Accrochait ces lilas
Jusque sous nos fenêtres
Et si l'humble garni
Qui nous servait de nid
Ne payait pas de mine
C'est la qu'on s'est connu
Moi qui criait famine
Et toi qui posait nue

La bohème, la bohème
Ça voulait dire on est heureux
La bohème, la bohème
Nous ne mangions qu'un jour sur deux

Dans les cafés voisins
Nous étions quelques uns
Qui attendions la gloire
Et bien que miséreux
Avec le ventre creux
Nous ne cessions d'y croire
Et quand quelque bistrot
Contre un bon repas chaud
Nous prenait une toile
Nous récitions des vers
Groupés autour du poêle
En oubliant l'hiver

La bohème, la bohème
Ça voulait dire tu es jolie
La bohème, la bohème
Et nous avions tous du génie

Souvent il m'arrivait
Devant mon chevalet
De passer des nuits blanches
Retouchant le dessin
De la ligne d'un sein
Du galbe d'une hanche
Et ce n'est qu'au matin
Qu'on s'asseyait enfin
Devant un café-crême
Epuisés mais ravis
Fallait-il que l'on s'aime
Et qu'on aime la vie

La bohème, la bohème
Ça voulait dire on a vingt ans
La bohème, la bohème
Et nous vivions de l'air du temps

Quand au hasard des jours
Je m'en vais faire un tour
A mon ancienne adresse
Je ne reconnais plus
Ni les murs, ni les rues
Qui ont vu ma jeunesse
En haut d'un escalier
Je cherche l'atelier
Dont plus rien ne subsiste
Dans son nouveau décor
Montmartre semble triste
Et les lilas sont morts

La bohème, la bohème
On était jeunes, on était fous
La bohème, la bohème
Ça ne veut plus rien dire du tout

LES DEUX GUITARES
(3:48) (C. Aznavour / Musique populaire russe) - © 1960


Deux tziganes sans répit
Grattent leur guitare
Ranimant du fond des nuits
Toute ma mémoire
Sans savoir que roule en moi
Un flot de détresse
Font renaître sous leurs doigts
Ma folle jeunesse

Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôghue menôgue rraz
Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôgue menôgue rraz

Joue tzigane joue pour moi
Avec plus de flamme
Afin de couvrir la voix
Qui dit à mon âme:
"Où as-tu mal
Pourquoi as-tu mal?
T'as mal à la tête
Bois un peu moins aujourd'hui
Tu boiras plus demain
Et encore plus après-demain"

Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôghue menôgue rraz
Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôgue menôgue rraz

Je veux rire, veux chanter
Et soûler ma peine
Pour oublier le passé
Qu'avec moi je traîne
Allez versez du vin fort
Car le vin délivre
Versez versez m'en encore
Pour que je m'enivre

Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôghue menôgue rraz
Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôgue menôgue rraz

Deux guitares en ma pensée
Jettent un trouble immense
M'expliquant la vanité
De notre existence
Que vivons-nous?
Pourquoi vivons-nous?
Quelle est la raison d'être?
Tu es vivant aujourd'hui
Tu seras mort demain
Et encore plus après-demain

Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôghue menôgue rraz
Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôgue menôgue rraz

Quand je serais ivre-mort
Faible et lamentable
Et que vous verrez mon corps
Rouler sous la table
Alors vous pourrez cesser
Vos chants qui résonnent
Mais en attendant jouez
Jouez je l'ordonne

Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôghue menôgue rraz
Aigh rraz, ischô rraz
Ischô menôgue menôgue rraz

COMME ILS DISENT
(4:55) (C. Aznavour) - © 1973


J'habite seul avec maman
Dans un très vieil appartement
Rue Sarazate
J'ai pour me tenir compagnie
Une tortue, deux canaris
Et une chatte

Pour laisser maman reposer
Très souvent je fais le marché
Et la cuisine
Je range, je lave, j'essuie
A l'occasion je pique aussi
A la machine

Le travail ne me fait pas peur
Je suis un peu décorateur
Un peu styliste
Mais mon vrai métier
C'est la nuit
Que je l'exerce travesti
Je suis artiste

J'ai un numéro très spécial
Qui fini en nu intégral
Apres strip-tease
Et dans la salle je vois que
Les mâles ne croient pas leurs yeux
Je suis un homme oh! - comme ils disent

Vers les trois heures du matin
On va manger entre copains
De tous les sexes
Dans un quelconque bar-tabac
Et là, on s'en donne à coeur joie
Et sans complexes
On déballe des vérités
Sur des gens qu'on a dans le nez
On les lapide

Mais on le fait avec humour
Enrobe dans des calembours
Mouillés d'acide

On rencontre des attardés
Qui pour épater leur tablée
Marchent et ondulent
Singeant ce qu'ils croient être nous
Et se couvrent, les pauvres fous
De ridicule

Ça gesticule et parle fort
Ça joue les divas, les ténors
De la bêtise
Moi, les lazzi, les quolibets
Me laissent froid, puisque c'est vrai
Je suis un homme oh! - comme ils disent

A l'heure ou naît un jour nouveau
Je rentre retrouver mon lot
De solitude
J'ôte mes cils et mes cheveux
Comme un pauvre clown malheureux
De lassitude

Je me couche mais ne dors pas
Je pense à mes amours sans joie
Si dérisoires
A ce garçon beau comme un dieu
Qui sans rien faire a mis le feu
A ma mémoire

Ma bouche n'osera jamais
Lui avouer mon doux secret
Mon tendre drame
Car l'objet de tous mes tourments
Passe le plus clair de son temps
Au lits des femmes

Nul n'a le droit en vérité
De me blâmer, de me juger
Et je précise
Que c'est bien la nature qui
Et seule responsable si
Je suis un homme oh! - comme ils disent

DÉSORMAIS
(3:09) (C. Aznavour / Georges Garvarentz) - © 1969


Désormais
On ne nous verra plus ensemble
Désormais
Mon cœur vivra sous les décombres
De ce monde qui nous ressemble
Et que le temps a dévasté
Désormais
Ma voix ne dira plus je t'aime
Désormais
Moi qui voulais être ton ombre
Je serai l'ombre de moi-même
Ma main de ta main séparée

Jamais plus
Nous ne mordrons au même fruit
Ne dormirons au même lit
Ne referons les mêmes gestes
Jamais plus
Ne connaîtrons la même peur
De voir s'enfuir notre bonheur
Et du reste désormais

Désormais
Les gens nous verrons l'un sans l'autre
Désormais
Nous changerons nos habitudes
Et ces mots que je croyais nôtres
Tu les diras dans d'autres bras
Désormais
Je garderai ma porte close
Désormais
Enfermé dans ma solitude
Je traînerai parmi les choses
Qui parleront toujours de toi

Jamais plus
Nous ne mordrons au même fruit
Ne dormirons au même lit
Ne referons les mêmes gestes
Jamais plus
Ne connaîtrons la même peur
De voir s'enfuir notre bonheur
Et du reste désormais

BON ANNIVERSAIRE
(4:10) (C. Aznavour) - © 1963


J'ai mis mon complet neuf mes souliers qui me serrent
Et je suis prêt depuis pas mal de temps
Ce soir est important car c'est l'anniversaire
Du jour où le bonheur t'avais vêtue de blanc
Mais je te sens nerveuse au bord de la colère
Àlors je ne dis rien, mieux vaut être prudent
Si je disais un mot, ton fichu caractère
M'enverrait sur les roses et l'on perdrait du temps
Il est huit heures un quart et tu attends la robe
Qu'on devait te livrer ce matin au plus tard
Pour comble tes cheveux au peigne se dérobent
Tout semble se liguer pour qu'on soit en retard
Si tout va de ce train la soirée au théâtre
Et l'auteur à la mode on s'en fera un deuil
Àdieu pièce d'Anouilh, d'Anouilh ou bien de Sartre
Je ne sais plus très bien, mais j'ai deux bons fauteuils
Bon anniversaire! bon anniversaire!

Ta robe est arrivée enfin et tu respires
Par solidarité je t'aide de mon mieux
Tout semble s'arranger mais soudain c'est le pire
La fermeture arrête et coince au beau milieu
On s'énerve tous deux, on pousse et puis l'on tire
On se mêle les doigts, on y met tant d'ardeur
Que dans un bruit affreux le tissu se déchire
Et je vois tes espoirs se transformer en pleurs
Aux environs d'onze heures enfin te voilà prête
Mais le temps d'arriver, le théâtre est fermé
Viens nous irons souper tous deux en tête à tête,
Non tu as le coeur gros tu préfères rentrer
Par les rues lentement nous marchons en silence
Tu souris, je t'embrasse, et tu souris encore
La soirée est gâchée mais on a de la chance
Puisque nous nous aimons l'amour est le plus fort
Bon anniversaire! bon anniversaire!
Bon anniversaire!

IL TE SUFFISAIT QUE JE T'AIME
(3:06) (C. Aznavour) - © 1965


Nous avions vingt ans toi et moi
Quand on a sous le même toit
Combattu la misère ensemble
Nous étions encore presqu'enfants
Et l'on disait en nous voyant
Regardez comme ils se ressemblent

Nous avons la main dans la main
Surmonté les coups du destin
Et résolu bien des problèmes
Le ventre vide en privation
Tu te nourrissais d'illusions
Il te suffisait que je t'aime

Nous avons lutté tant d'années
Que la fortune s'est donnée
Mais l'âge a pris ton insouciance
Tu te traînes comme un fardeau
Et ne ris plus à tout propos
Et pleures ton adolescence

Et passes du matin au soir
Des heures devant ton miroir
Essayant des fards et des crèmes
Et moi, je regrette parfois
Le temps où pour forger tes joies
Il te suffisait que je t'aime

Si je le pouvais mon amour
Pour toi j'arrêterais le cours
Des heures qui vont et s'éteignent
Mais je ne peux rien y changer
Car je suis comme toi logé
Tu le sais à la même enseigne

Ne cultive pas les regrets
Car on ne récolte jamais
Que les sentiments que l'on sème
Fais comme au temps des années d'or
Et souviens-toi qu'hier encore
Il te suffisait que je t'aime

Pour moi rien n'a vraiment changé
Je n'ai pas cessé de t'aimer
Car tu as toujours tout le charme
Que tu avais ce jour béni
Où devant Dieu tu as dit: " oui "
Avec des yeux baignés de larmes

Le printemps passe, et puis l'été
Mais l'automne a des joies cachées
Qu'il te faut découvrir toi-même
Oublie la cruauté du temps
Et rappelle-toi qu'à vingt ans
Il te suffisait que je t'aime

POUR FAIRE UNE JAM
(3:06) (C. Aznavour) - © 1958


Ta ba da ba da ba da ba da...

Moi certains soirs quand je m'ennuie
Je connais un coin dans Paris
Où l'on se rencontre entre amis
Pour faire une jam

Chacun prenant son instrument
Qu'il soit à corde ou bien à vent
Laisse parler son tempérament
Pour faire une jam

Comme je ne suis pas musicien
Mais que vraiment j'aime ça
Je rythme en frappant dans mes mains et chante
Ta ba da ba da ba da ba da...

Car quand on est dans cette ambiance
Les mots n'ont aucune importance
Le principal c'est que ça balance
Pour faire une jam

Ta ba da ba da ba da ba da...

On perd en l'éclair d'un instant
La notion du lieu et du temps
Et l'on oublie ses embêtements
Pour faire une jam

C'est l'heure, l'heure de l'improvisation
Des chorus et des citations
Car on se donne avec passion
Pour faire une jam

Nos aînés ne trouvent pas normales
Ces explosions de joie
Mais au fond que fait-on de mal en chantant
Ta ba da ba da ba da ba da...

En bras de chemise parce qu'on a chaud
On se donne à fond les yeux mi-clos
Car plus ça chauffe et mieux ça vaut
Pour faire une jam

Ta ba da ba da ba da ba da...

Nos peines, nos joies, nos ivresses
Danses et rythmes se reconnaissent
Il faut la foi de la jeunesse
Pour faire une jam

La batterie roule, la basse craque
Le piano chante, les cuivres attaquent
De toutes parts les notes claquent
Pour faire une jam

Quand on a le jazz dans le sang
Et jusqu'au bout des doigts
Et que l'on est pris cent pour cent, on chante
Ta ba da ba da ba da ba da...

Au petit jour, sur le trottoir
Les traits tirés, le teint blafard
Comme à regret on se sépare
En se disant remplis d'espoir
Salut les gars à un de ces soirs
Pour faire une jam

LES COMÉDIENS
(2:21) (Jacques Plante / C. Aznavour) - © 1962


Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Les comédiens ont installé leurs tréteaux
Ils ont dressé leur estrade
Et tendu des calicots
Les comédiens ont parcouru les faubourgs
Ils ont donné la parade
A grand renfort de tambour
Devant l'église une roulotte peinte en vert
Avec les chaises d'un théatre à ciel ouvert
Et derrière eux comme un cortège en folie
Ils drainent tout le pays,
Les comédiens.

Si vous voulez voir confondus les coquins
Dans une histoire un peu triste
Où tout s'arrange à la fin
Si vous aimez voir trembler les amoureux
Vous lamenter sur Baptiste
Ou rire avec les heureux
Poussez la toile et entrez donc vous installer
Sous le étoiles, le rideau va se lever...
Quand les trois coups retentisssent dans la nuit
Ils vont renaîtrent à la vie, les comédiens.

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Les comédiens ont démonté leurs trétaux
Ils ont ôté leur estrade
Et plié les calicots,
Ils laisseront au fond du coeur de chacun
Un peu de la sérénade
Et du bonheur d'Arlequin
Demain matin quand le soleil va se lever
Ils seront loins, et nous croirons avoir rêvé
D'autres villages endormis, les comédiens

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent
(ad Lib)

LA MAMMA
(3:46) (Robert Gall / /C. Aznavour) - © 1963


Ils sont venus
Ils sont tous là
Dès qu’ils ont entendu ce cri
Elle va mourir, la mamma
Ils sont venus
Ils sont tous là
Même ceux du sud de l’Italie
Y a même Georgio, le fils maudit
Avec des présents plein les bras
Tous les enfants jouent en silence
Autour du lit ou sur le carreau
Et leurs jeux n’ont pas d’importance
C’est un peu leurs derniers cadeaux
A la Mamma
On la réchauffe des baisers
On lui remonte ses oreillers
Elle va mourir, la Mamma
Sainte Marie pleine de grâce
Dont la statue est sur la place
Bien sûr vous lui tendez les bras
En lui chantant Ave Maria

Ave Maria
Y'a tant d’amour
De souvenirs
Autour de toi
Toi la Mamma
Y'a tant de larmes
Et de sourires
A travers toi
Toi la Mamma

Et tous les hommes ont eu si chaud
Sur les chemins de grand soleil
Elle va mourir, la Mamma
Qu’ils boivent frais le vin nouveau
Le bon vin de la bonne treille
Tandis que s’entrassent pêl'-mêle
Sur les bancs, foulards et chapeaux
C’est drôle on ne se sent pas triste
Près du grand lit et de l’affection
Y a même un oncle guitariste
Qui joue en faisant attention
A la mamma
Et les femmes se souvenant
Des chansons tristes des veillées
Elle va mourir, la Mamma
Tout doucement, les yeux fermés
Chantent comme on berce un enfant
Aprés une bonne journée
Pour qu’il sourie en s’endormant

Ave Maria
Y'a tant d’amour
De souvenirs
Autour de toi
Toi la Mamma
Y'a tant de larmes
Et de sourires
A travers toi
Toi la Mamma

Que jamais, jamais, jamais
Tu nous quitteras

EMMENEZ-MOI
(3:32) (C. Aznavour) - © 1968


Vers les docks où le poids et l'ennui
Me courbent le dos
Ils arrivent le ventre alourdi
Les bateaux
Ils viennent du bout du monde
Apportant avec eux
Des idées vagabondes
Aux reflets de ciel bleu
De mirage
Traînant des senteurs poivrées
De pays inconnus
Et d'éternels étés
Où l'on vit presque nu
Sur les plages
Moi qui n'ai connu toute ma vie
Que le ciel du Nord
J'aimerais débarbouiller ce gris
En virant de bord

Emmenez-moi
Au bout de la terre
Emmenez-moi
Au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil.

Dans les bars à la tombée du jour
Avec les marins
Quand on parle de filles et d'amour
Un verre à la main
Je perds la notion des choses
Et soudain ma pensée
M'enlève et me dépose
Un merveilleux été
Sur la grève
Où je vois tendant les bras
L'amour qui comme un fou
Court au devant de moi
Et je me pends au cou
De mon rêve
Quand les bars ferment, que les marins
Rejoignent leur bord
Moi je rêve encor'jusqu'au matin
Debout sur le port

Emmenez-moi
Au bout de la terre
Emmenez-moi
Au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil.

Un beau jour sur un rafiot craquant
De la coque au pont
Pour partir je travaillerai dans
La soute à charbon
Prenant la route qui mène
À mes rêves d'enfants
Sur des rives lointaines
Où rien n'est important
Que de vivre
Où des filles alanguies
Nous ravissent le coeur
En tressant m'a-t-on dit
De ces colliers de fleurs
Qui enivrent
Je fuirai laissant là mon passé
Sans aucun remords
Sans bagage et le coeur libéré
En chantant très fort

Emmenez-moi
Au bout de la terre
Emmenez-moi
Au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil.

TROUSSE CHEMISE
(2:25) (Jacques Mareuil / C. Aznavour) - © 1962


Dans le petit bois de Trousse chemise
Quand la mer est grise et qu'on l'est un peu
Dans le petit bois de Trousse chemise
On fait des bêtises souviens-toi nous deux
On était partis pour Trousse chemise
Guettés par les vieill's derrièr' leurs volets
On était partis la fleur à l'oreille
Avec deux bouteill's de vrai muscadet

On s'était baignés à Trousse chemise
La plage déserte était à nous deux
On s'était baignés à la découverte
La mer était verte, tu l'étais un peu
On a dans les bois de Trousse chemise
Déjeuné sur l'herbe, mais voilà soudain
Que là, j'ai voulu d'un élan superbe
Conjuguer le verbe aimer son prochain.

Et j'ai renversé à Trousse chemise
Malgré tes prières à corps défendant
Et j'ai renversé le vin de nos verres
Ta robe légère et tes dix sept ans
Quand on est rentrés de Trousse chemise
La mer était grise, tu ne l'étais plus
Quand on est rentré la vie t'a reprise
T'as fait ta valise t'es jamais r'venue.

On coupe le bois à Trousse chemise
Il pleut sur la plage des mortes saisons
On coupe le bois, le bois de la cage
Où le cœur trop sage était en prison.

DONNE TES SEIZE ANS
(6:01) (C. Aznavour / Georges Garvarentz) - © 1963


Viens, donne tes seize ans
Au bonheur qui prend forme
Pour que ton corps d'enfant
Peu à peu se transforme

Viens, n'hésite pas
Mets ta main dans ma main
Simplement, et donne tes seize ans

Viens, donne tes seize ans
Aux amours éternelles
C'est le plus beau printemps
De la vie qui t'appelle

Viens, au creux de moi
Mets ta joue sur ma joue
Tendrement, et donne tes seize ans

Un jour, lorsque la vie aura fané nos jours
Un jour, nous penserons qu'il fut bien court
Le printemps des amours

Viens, donne tes seize ans
À ta fureur de vivre
Le chemin des Amants
Est le seul qu'il faut suivre

Viens, donne ton cœur
Mon amour à l'amour
Qui attend, pour prendre tes seize ans

Donne tes seize ans
Donne tes seize ans

TU T'LAISSES ALLER
() (C. Aznavour) - © 1960


C'est drôl' c'que t'es drôle à r'garder
T'es là, t'attends, tu fais la tête
Et moi j'ai envie d'rigoler
C'est l'alcool qui monte en ma t^te
Tout l'alcool que j'ai pris ce soir
Afin d'y puiser le courage
De t'avouer que j'en ai marr'
De toi et de tes commérages
De ton corps qui me laisse sage
Et qui m'enlève tout espoir

J'en ai assez faut bien qu'j'te l'dise
Tu m'exaspèr's, tu m'tyrannises
Je subis ton sal'caractèr'
Sans oser dir' que t'exagèr's
Oui t'exagèr's, tu l'sais maint'nant
Parfois je voudrais t'étrangler
Dieu que t'as changé en cinq ans
Tu l'laisses aller, Tu l'laisses aller

Ah ! tu es belle à regarder
Tes bas tombant sur tes chaussures
Et ton vieux peignoir mal fermé
Et tes bigoudis quelle allure
Je me demande chaque jour
Comment as-tu fait pour me plaire
Comment ai-j' pu te faire la cour
Et t'aliéner ma vie entière
Comm' ça tu ressembles à ta mère
Qu'a rien pour inspirer l'amour

D'vant mes amis quell' catastroph'
Tu m'contredis, tu m'apostrophes
Avec ton venin et ta hargne
Tu ferais battre des montagnes
Ah ! j'ai décroché le gros lot
Le jour où je t'ai rencontrée
Si tu t'taisais, ce s'rait trop beau
Tu l'laisses aller, Tu l'laisses aller

Tu es un'brute et un tyran
Tu n'as pas de cœur et pas d'âme
Pourtant je pense bien souvent
Que malgré tout tu es ma femme
Si tu voulais faire un effort
Tout pourrait reprendre sa place
Pour maigrir fais un peu de sport
arranges-toi devant ta glace
Accroche un sourire à ta face
Maquille ton cœur et ton corps

Au lieu d'penser que j'te déteste
Et de me fuir comme la peste
Essaie de te montrer gentille
Redeviens la petite fille
Qui m'a donné tant de bonheur
Et parfois comm' par le passé
J'aim'rais que tout contre mon cœur
Tu l'laisses aller, Tu l'laisses aller

SUR MA VIE
(2:48) (C. Aznavour) - © 1955


Sur ma vie je t'ai juré un jour
De t'aimer jusqu'au dernier jour de mes jours
Et le même mot
Devait très bientôt
Nous unir devant Dieu et les hommes

Sur ma vie je t'ai fait le serment
Que ce lien tiendrait jusqu'à la fin des temps
Ainsi nous vivions
Ivres de passion
Et mon cœur voulait t'offrir mon nom

Près des orgues qui chantaient
Face à Dieu qui priait
Heureux je t'attendais
Mais les orgues se sont tues
Et Dieu a disparu
Car tu n'es pas venue

Su ma vie j'ai juré que mon cœur
Ne battrait jamais pour aucun autre cœur
Et tout est perdu
Car il ne bat plus
Mais il pleure mon amour déçu

Sur ma vie je t'ai juré un jour
De t'aimer jusqu'au dernier jour de mes jours
Et même à présent
Je tiendrai serment
Malgré tout le mal que tu m'as fait
Sur ma vie
Chérie
Je t'attendrai

J'EN DÉDUIS QUE JE T'AIME
(3:45) (C. Aznavour) - © 1959


Par la peur de te perdre et de ne plus te voir
Par ce monde insensé qui grouille dans ma tête
Par ces nuits sans sommeil où la folie me guette
Quand le doute m'effleure et tend mon cœur de noir
J'en déduis que je t'aime
J'en déduis que je t'aime

Par le temps que je prends pour ne penser qu'à toi
Par mes rêves de jour où tu règnes en idole
Par ton corps désiré de mon corps qui s'affole
Et l'angoisse à l'idée que tu te joues de moi
J'en déduis que je t'aime
J'en déduis que je t'aime
Par le froid qui m'étreint lorsque je t'aperçois
Par mon souffle coupé, par mon sang qui se glace
Par la désolation qui réduit mon espace
Et le mal que souvent tu me fais malgré toi

Par la contradiction de ma tête et mon cœur
Par mes vingt ans perdus qu'en toi je réalise
Par tes regards lointains qui parfois me suffisent
Et me font espérer en quelques jours meilleurs
J'en déduis que je t'aime
J'en déduis que je t'aime

Par l'idée que la fin pourrait être un début
Par mes joies éventrées par ton indifférence
Par tous les mots d'amour qui restent en souffrance
Puisque de te les dire est pour moi défendu
J'en déduis que je t'aime
J'en déduis mon amour.

PARCE QUE
(2:46) (C. Aznavour / Gaby Wagenheim) - © 1959


Parce que t'as les yeux bleus
Que tes cheveux s'amusent à défier le soleil
Par leur éclat de feu

Parce que tu as vingt ans
Que tu croques la vie comme en un fruit vermeil
Que l'on cueille en riant

Tu te crois tout permis et n'en fait qu'à ta tête
Désolée un instant prête à recommencer
Tu joues avec mon cœur comme un enfant gâté
Qui réclame un joujou pour le réduire en miettes

Parce que j'ai trop d'amour
Tu viens voler mes nuits du fond de mon sommeil
Et fais pleurer mes jours

Mais prends garde, chérie, je ne réponds de rien
Si ma raison s'égare et si je perds patience
Je peux d'un trait rayer nos cœurs d'une existence
Dont tu es le seul but et l'unique lien

Parce que je n'ai que toi
Le cœur est mon seul maître et maître de mon cœur
L'amour nous fait la loi

Parce que tu vis en moi
Et que rien ne remplace les instants de bonheur
Que je prends dans tes bras

Je ne me soucierai ni de Dieu, ni des hommes
Je suis prêt à mourir si tu mourrais un jour
Car la mort n'est qu'un jeu comparée à l'amour
Et la vie n'est plus rien sans l'amour qu'elle nous donne

Parce que je suis au seuil
D'un amour éternel je voudrais que mon cœur
Ne portât pas le deuil

Parce que
Parce que
Parce que

JE M'VOYAIS DÉJÀ
(3:19) (C. Aznavour) - © 1960


À dix-huit ans j'ai quitté ma province
Bien décidé à empoigner la vie
Le coeur léger et le bagage mince
J'étais certain de conquérir Paris
Chez le tailleur le plus chic j'ai fait faire
Ce complet bleu qu'était du dernier cri
Les photos, les chansons
Et les orchestrations
Ont eu raison
De mes économies

Je m'voyais déjà en haut de l'affiche
En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom s'étalait
Je m'voyais déjà adulé et riche
Signant mes photos aux admirateurs qui se bousculaient
J'étais le plus grand des grands fantaisistes
Faisant un succès si fort que les gens m'acclamaient debout
Je m'voyais déjà cherchant dans ma liste
celle qui le soir pourrait par faveur se pendre à mon cou
Mes traits ont vieilli, bien sûr, sous mon maquillage
Mais la voix est là, le geste est précis, et j'ai du ressort
Mon coeur s'est aigri un peu en prenant de l'âge
Mais j'ai des idées, j'connais mon métier et j'y crois encor'
Rien que sous mes pieds de sentir la scène
De voir devant moi le public assis, j'ai le coeur battant
On m'a pas aidé, je n'ai pas eu d'veine
Mais un jour viendra, je leur montrerai que j'ai de talent

Ce complet bleu y'a trente ans que j'le porte
Et mes chansons ne font rire que moi
J'cours le cachet, je fais du porte à porte
Pour subsister je fais n'importe quoi
Je n'ai connu que des succès faciles
Des trains de nuit et des filles à soldats
Les minables cachets, les valises à porter
Les p'tits meublés et les maigres repas

Je m'voyais déjà en photographie
Au bras d'une star l'hiver dans la neige l'été au soleil
Je m'voyais déjà racontant ma vie,
L'air désabusé, à des débutants friands de conseils
J'ouvrais calmement les soirs de première,
Mille télégrammes de ce Tout-Paris qui nous fait si peur
Et mourant de trac devant ce parterre,
Entré sur la scène sous les ovations et les projecteurs
J'ai tout essayé pourtant pour sortir de l'ombre
J'ai chanté l'amour, j'ai fait du comique et d'la fantaisie
Si tout a raté pour moi, si je suis dans l'ombre
Ce n'est pas ma faut' mais cell' du public qui n'a rien compris
On ne m'a jamais accordé ma chance
D'autres ont réussi avec peu de voix mais beaucoup d'argent
Moi j'étais trop pur ou trop en avence
Mais un jour viendra, je leur montrerai que j'ai du talent

QUE C'EST TRISTE VENISE
(2:37) (Françoise Dorin / C. Aznavour) - © 1964


Que c'est triste Venise au temps des amours mortes
Que c'est triste Venise quand on ne s'aime plus
On cherche encore des mots mais l'ennui les emporte
On voudrait bien pleurer mais on ne le peut plus
Que c'est triste Venise lorsque les barcarolle
Le viennent souligner que des silences creux
Et que le coeur se serre en voyant les gondoles
Abriter le bonheur des couples amoureux

Que c'est triste Venise au temps des amours mortes
Que c'est triste Venise quand on ne s'aime plus
Les musées, les églises ouvrent en vain leurs portes
Inutiles beautés devant nos yeux déçus
Que c'est triste Venise le soir sur la lagune
Quand on cherche le main que l'on ne vous tend pas
Et que l'on ironise devant le clair de lune
Pour tenter d'oublie ce qu'on ne se dit pas

Adieu tous les pigeons qui nous ont fait escorte
Adieu Pont des Soupirs adieu rêves perdus
C'est trop triste Venise au temps des amours mortes
C'est trop triste Venise quand on ne s'aime plus

IL FAUT SAVOIR
(3:09) (C. Aznavour) - © 1962


Il faut savoir
Encore sourire
Quand le meilleur s'est retiré
Et qu'il ne reste que le pire
Dans une vie bête à pleurer

Il faut savoir
Coûte que coûte garder toute sa dignité
Et malgré ce qui nous en coûte
S'en aller sans se retourner
Face au destin
Qui nous désarme
Et devant le bonheur perdu

Il faut savoir cacher ses larmes
Mais moi, mon coeur, je n'ai pas su
Il faut savoir
Quitter la table
Lorsque l'amour est desservi
Sans s'accrocher l'air pitoyable
Mais partir sans faire de bruit

Il faut savoir
Cacher sa peine
Sous le masque de tous les jours
Et retenir les cris de haine
Qui sont les derniers mots d'amour

Il faut savoir
Rester de glace
Et taire un coeur qui meurt déjà

Il faut savoir
Garder la face
Mais moi, je t'aime trop
Mais moi, je ne peux pas

Il faut savoir
Mais moi, je ne sais pas

L'AMOUR C'EST COMME UN JOUR
(3:44) (Yves Stéphane / C. Aznavour) - © 1962


Le soleil brille à pleins feux
Mais je ne vois que tes yeux
La blancheur de ton corps nu
Devant mes mains éperdues
Viens, ne laisse pas s'enfuir
Les matins brodés d'amour
Viens, ne laisse pas mourir
Les printemps, nos plaisirs

L'amour c'est comme un jour
Ça s'en va, ça s'en va l'amour
C'est comme un jour de soleil en ripaille
Et de lune en chamaille
Et de pluie en bataille
L'amour c'est comme un jour
Ça s'en va, ça s'en va l'amour

C'est comme un jour d'un infini sourire
Une infinie tendresse
Une infinie caresse
L'amour c'est comme un jour
Ça s'en va mon amour

Notre été s'en est allé
Et tes yeux m'ont oublié
Te souviens-tu de ces jours
Où nos cœurs parlaient d'amour
Nous n'avons pu retenir
Que des lambeaux de bonheur
S'il n'y a plus d'avenir
Il nous reste un souvenir

L'amour c'est comme un jour
Ça s'en va, ça s'en va l'amour
C'est comme un jour de soleil en ripaille
Et de lune en chamaille
Et de pluie en bataille
L'amour c'est comme un jour
Ça s'en va, ça s'en va l'amour

C'est comme un jour d'un infini sourire
Une infinie tendresse
Une infinie caresse
L'amour c'est comme un jour
Ça s'en va mon amour

ET POURTANT
(2:48) (C. Aznavour / Georges Garvarentz) - © 1963


Un beau matin je sais que je m'éveillerai
Différemment de tous les autres jours
Et mon cœur délivré enfin de notre amour
Et pourtant, et pourtant
Sans un remords, sans un regret je partirai
Droit devant moi sans espoir de retour
Loin des yeux loin du cœur j'oublierai pour toujours
Et ton cœur et tes bras
Et ta voix
Mon amour

Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant

J'arracherai sans une larme, sans un cri
Les liens secrets qui déchirent ma peau
Me libérant de toi pour trouver le repos
Et pourtant, et pourtant
Je marcherai vers d'autres cieux, d'autres pays
En oubliant ta cruelle froideur
Les mains pleines d'amour j'offrirai au bonheur
Et les jour et les nuits
Et la vie
De mon cœur

Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant

Il faudra bien que je retrouve ma raison
Mon insouciance et mes élans de joie
Que je parte à jamais pour échapper à toi
Dans d'autres bras quand j'oublirai jusqu'à ton nom
Quand je pourrai repenser l'avenir
Tu deviendras pour moi qu'un lointain souvenir
Quand mon mal et ma peur
Et mes pleurs
Vont finir

Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Pourtant, pourtant, je n'aime que toi...

HIER ENCORE
(2:22) (C. Aznavour) - © 1964


Hier encore j'avais vingt ans
Je caressais le temps
Et jouais de la vie
Comme on joue de l'amour
Et je vivais la nuit
Sans compter sur mes jours
Qui fuyaient dans le temps
J'ai fait tant de projets qui sont restés en l'air
J'ai fondé tant d'espoirs qui se sont envolés
Que je reste perdu ne sachant où aller
Les yeux cherchant le ciel, mais le coeur mis en terre

Hier encore j'avais vingt ans
Je gaspillais le temps
En croyant l'arrêter
Et pour le retenir même le devancer
Je n'ai fait que courir
Et me suis essoufflé
Ignorant le passé conjuguant au futur
Je précédais de moi, toutes conversations
Et donnais mon avis que je voulais le bon
Pour critiquer le monde avec désinvolture

Hier encore j'avais vingt ans
Mais j'ai perdu mon temps
À faire des folies
Qui ne me laissent au fond
Rien de vraiment précis
Que quelques rides au front
Et la peur de l'ennui
Car mes amours sont mortes avant que d'exister
Mes amis sont partis et ne reviendront pas
Par ma faute j'ai fait le vide autour de moi
Et j'ai gâché ma vie et mes jeunes années
Du meilleur et du pire
En jetant le meilleur
J'ai figé mes sourires
Et j'ai glacé mes pleurs

Où sont-ils à présent
À présent mes vingt ans?

PARIS AU MOIS D'AOÛT
(3:24) (C. Aznavour / Georges Garvarentz) - © 1966


Balayé par septembre
Notre amour d'un été
Tristement se démembre
Et se meurt au passé
J'avais beau m'y attendre
Mon cœur vide de tout
Ressemble à s'y méprendre
A Paris au mois d'août

De larmes et de rires
Etait fait notre amour
Qui redoutant le pire
Vivait au jour le jour
Chaque rue, chaque pierre
Semblaient n'être qu'à nous
Nous étions seuls sur terre
A Paris au mois d'août

Pour te dire je t'aime
Aussi loin que tu sois
Une part de moi-même
Reste accrochée à toi
Et l'autre solitaire
Recherche de partout
L'aveuglante lumière
De Paris au mois d'août

Dieu fasse que mon rêve
De retrouver un peu
Du mois d'août sur tes lèvres
De Paris dans tes yeux
Prenne forme et relance
Notre amour un peu fou
Pour que tout recommence
A Paris au mois d'août

APRÈS L'AMOUR
(3:09) (C. Aznavour) - © 1956


Nous nous sommes aimés, nos joies se sont offertes
Et nos cœurs ont battu poussés par cet instinct
Qui unit les amants en se fichant du reste

Glisse tes doigts par ma chemise entrouverte
Et pose sur ma peau la paume de ta main
Et les yeux mi-clos nous restons sans dire un mot
Sans faire un geste

Après l'amour, quand nos corps se détendent
Après l'amour, quand nos souffles sont courts

Nous restons étendus
Toi et moi, presque nus
Heureux, sans rien dire
Éclairés d'un même sourire

Après l'amour, nous ne formons qu'un être
Après l'amour, quand nos membres sont lourds

Au sein des draps froissés
Nous restons enlacés
Après l'amour
Au creux du jour
Pour aimer

QUI
(3:38) (C. Aznavour) - © 1964


Qui frôlera tes lèvres
Et vibrant de fièvre
Surprenant ton corps
Deviendra ton maître
En y faisant naître
Un nouveau bien-être
Un autre bonheur?

Qui prendra la relève
Pour combler tes rêves
Et sans un remords
D'un éclat de rire
Saura te conduire
À mieux me détruire
Au fond de ton cœur?

Qui peut être cet autre
Qui sera cet intrus ?
Dans tout ce qui fut nôtre
Quand je ne serais plus?

Qui prendra ta faiblesse
Avec des caresses
Et des mots d'amour
En couvrant d'oubli
Nos jours de folies?
Qui prendra ta vie
Au bout de mes jours?

Nous vivons à vingt ans d'écart
Notre amour est démesuré
Et j'ai le cœur au désespoir
Pour ces années
Car lorsque mes yeux seront clos
D'autres yeux vont te contempler
Aussi je lutte avec ce mot
De ma pensée

Qui sans que tu protestes
Refera les gestes
Qui ne sont qu'à nous
Lorsque je t'embrasse
Lorsque je t'enlace
Qui prendra ma place
Autour de ton cou?

Qui connaîtra tes scènes
De folie soudaine
Ou bien de courroux?
Qui aura la chance
D'avoir ta présence
Souvent quand j'y pense
Je deviens jaloux

Qui? nul ne peut le dire
Qui? nous n'en savons rien
Et mon cœur se déchire
En pensant que quelqu'un

Te prendra un je t'aime
Et par ce je t'aime
Je le sais déjà
Il prendra ta bouche
Il prendra ta couche
Et m'enterrera
Pour la seconde fois

LE TEMPS
(2:37) (C. Aznavour / Jeff Davis) - © 1965


Laisse-moi guider
Tes pas dans l'existence
Laisse-moi la chance
De me faire aimer
Viens comme une enfant
Au creux de mon épaule
Laisse-moi le rôle
De te faire oublier

Le temps qui va
Le temps qui sommeille
Le temps sans joie
Le temps des merveilles
Le temps d'un jour
Temps d'une seconde
Le temps qui court
Ou celui qui gronde

Refrain :
Le temps, le temps
Le temps n'est rien d'autre
Le tien le mien
Celui qu'on veut nôtre
Le temps, le temps
Le temps n'est rien d'autre
Le tien le mien
Celui qu'on veut nôtre

Le temps passé
Celui qui va naître
Le temps d'aimer
Et de disparaître
Le temps des pleurs
Le temps de la chance
Le temps qui meurt
Le temps des vacances

Refrain

Le temps glorieux
Le temps d'avant-guerre
Le temps des jeux
le temps des affaires
Le temps joyeux
Le temps des mensonges
Le temps frileux
Et le temps des songes

Refrain

Le temps des crues
Le temps des folies
Le temps perdu
Le temps de la vie
Le temps qui vient
Jamais ne s'arrête
Et, je sais bien
Que la vie est faite

Du temps des uns
Et du temps autres
Le tien le mien
Peut devenir nôtre
Du temps des uns
Et du temps autres
Le tien le mien
Peut devenir nôtre

FOR ME FORMIDABLE
(2:19) (Jacques Plante / C. Aznavour) - © 1964


You are the one for me... for me... formi... formidable
You are my love... very... very... véri... véritable
Oh, je voudrais tellement pouvoir enfin te le dire
Te l'écrire dans la langue de Shakespeare

My daisy... daisy... dési... désirable
Je suis malheureux d'avoir si peu de mots à t'offrir en cadeau
Darling I love you, love you, darling, I want you
Et puis c'est à peu pres tout
You are the one for me... for me... formi... formidable

You are the one for me... for me... formi... formidable
But how can you see me... see me... si mi... si minable
Je ferais mieux d'aller choisir mon vocabulaire
Pour te plaire dans la langue de Molière

Toi, tes eyes, ton nose, tes lips adorables
Tu n'as rien compris, tant pis, ne t'en fais pas et
Viens t'en dans mes bras
Darling I love you, love you, darling, I want you
Et puis le reste, on s'en fout
You are the one for me... formi... formidable

Je me demande même pourquoi je t'aime
Toi qui te moque de moi et de tout
Avec ton rire canaille, canaille, canaille
How can I love you ?

AVEC
(3:07) (C. Aznavour) - © 1964


Avec ton sourire au coin de tes lèvres
Avec ton regard comme rempli de fièvre
Tu sembles sortir des mains d'un orfèvre
Et je ne peux que t'aimer mon amour
Avec dans ton coeur des points vulnérables
Avec les fureurs dont tu es capable
Tu es tour à tour l'ange ou bien le diable
Qui vient troubler mes nuits et mes jours

Ceux qui disent des sottises
Et prédisent notre échec
Je les ignore et t'adore
Plus encore avec

Avec tes façons de fille à la page
Avec tes curieux écarts de langage
Le peu de printemps qui comptent ton âge
Je voudrais bien te garder toujours

Avec dans ta tête un grain de folie
Avec dans ton corps le goût de la vie
J'ai trouvé en toi toute une harmonie
Et je ne peux que t'aimer, mon amour
Avec ta pudeur mêlée d'indécence
Avec ta candeur frôlant l'inconscience
Ta maturité si près de l'enfance,
Je voudrais bien te garder toujours

Avec tes chagrins
Tes éclats de voix
Ton rire enfantin
Ta manière à toi
De parler soudain
De n'importe quoi
Et qui vont si bien
Avec toi

PLUS BLEU QUE LE BLEU DE TES YEUX
(3:04) (C. Aznavour) - © 1951


Lorsque je lève les yeux,
Je rencontre le ciel
Et je me dis : "Mon Dieu,
Mais c'est sensationnel,
Tant de bleu."
Lorsque je lève les yeux,
Je rencontre tes yeux
Et je me dis : "Mon Dieu,
C'est vraiment merveilleux,
Tant de bleu."

Plus bleu que le bleu de tes yeux,
Je ne vois rien de mieux,
Même le bleu des cieux.
Plus blond que tes cheveux dorés
Ne peut s'imaginer,
Même le blond des blés.
Plus pur que ton souffle si doux,
Le vent, même au mois d'août,
Ne peut être plus doux.
Plus fort que mon amour pour toi,
La mer, même en furie,
Ne s'en approche pas.
Plus bleu que le bleu de tes yeux,
Je ne vois rien de mieux,
Même le bleu des cieux.

Si un jour tu devais t'en aller
Et me quitter,
Mon destin changerait tout-à-coup
Du tout au tout.

Plus gris que le gris de ma vie,
Rien ne serait plus gris,
Pas même un ciel de pluie.
Plus noir que le noir de mon cœur,
La terre en profondeur
N'aurait pas sa noirceur.
Plus vide que mes jours sans toi,
Aucun gouffre sans fond
Ne s'en approchera.
Plus long que mon chagrin d'amour,
Même l'éternité
Près de lui serait court.
Plus gris que le gris de ma vie,
Rien ne serait plus gris,
Pas même un ciel de pluie.

On a tort de penser, je sais bien,
Aux lendemains.
A quoi bon se compliquer la vie
Puisqu'aujourd'hui...

Plus bleu que le bleu de tes yeux,
Je ne vois rien de mieux,
Même le bleu des cieux.
Plus blond que tes cheveux dorés
Ne peut s'imaginer,
Même le blond des blés.
Plus pur que ton souffle si doux,
Le vent, même au mois d'août,
Ne peut être plus doux.
Plus fort que mon amour pour toi
La mer, même en furie,
Ne s'en approche pas.
Plus bleu que le bleu de tes yeux,
Je ne vois que les rêves
Que m'apportent tes yeux...

CE SACRÉ PIANO
(3:47) (C. Aznavour) - © 1958


Ce sacré piano
Placé dans un coin
Voudrait libérer
Sa voix qui déborde
Mais reste accrochée
Au long de ses cordes
Et son vieux clavier
Qu'aucun doigt n'aborde
Espère des mains
Ce sacré piano
Qui semble endormi
Pour l'éternité
Entre quatre planches
Aimerait que ses
Touches noires et blanches
Fussent caressées
Mais nul ne se penche
Sur son corps vieilli
Moi de temps en temps
Quand j'ai de la peine
Je vais doucement
Consoler la sienne
Et tout deux rêvant
De nos joies anciennes
Nous pleurons nos jours anciens
Ce sacré piano
Me colle à la peau
Mais plus mes doigts courent
Moins je me délivre
De ce vieil amour
Qui perd l'équilibre
Et compte les jours
Qui me restent à vivre
Sans repos
Ce sacré piano
est mon seul ami
Il sait m'étourdir
Sans trop de manières
Et m'aide à franchir
Toutes les barrières
Grâce aux souvenirs
Placés sur la terre
Jalonnant la vie
Ce sacré piano
Attend jour et nuit
Debout dans un coin
Que je le caresse
Comme un pauvre chien
Tirant sur sa laisse
Pour d'autres amours
Et lorsque je mets
Les doigts sur ses touches
Sur lui dés que j'ai
Les mains qui se couchent
Le passé renaît
Du fond de sa bouche
Évoquant nos jours anciens
Ce sacré piano
Quand il parle trop
Me remet souvent
Des choses en mémoire
Et remue le temps
Et fait des histoires
Parfois tant et tant
Que je me sépare
De mon vieux piano

LES PLAISIRS DÉMODÉS
(5:56) (C. Aznavour / Georges Garvarentz) - © 1972


Dans le bruit familier de la boîte à la mode
Aux lueurs psychédéliques, aux curieux décorum
Nous découvrons assis sur des chaises incommodes
Les derniers disques pop, poussés au maximum

C'est là qu'on s'est connu parmi ceux de notre âge
Toi vétue en Indienne et moi en col Mao
Nous revenons depuis comme en pélerinage
Danser dans la fumée à couper au couteau

Viens découvrons toi et moi les plaisirs démodés
Ton coeur contre mon coeur malgé les rythmes fous
Je veux sentir mon corps par ton corps épousé
Dansons joue contre joue
Dansons joue contre joue

Viens noyés dans la cohue mais dissocié du bruit
Comme si sur la terre il n'y avait que nous
Glissons les yeux mi-clos jusqu'au bout de la nuit
Dansons joue contre joue
Dansons joue contre joue

Sur la piste envahie c'est un spectacle rare
Les danseurs sont en transe et la musique aidant
Ils semblent sacrifier à des rythmes barbares
Sur les airs d'aujourd'hui souvent vieux de tout temps

L'un et l'autre étrangers bien que dansant ensemble
Les couples se démènent on dirait que pour eux
La musique et l'amour ne font pas corps ensemble
Dans cette obscurité propice aux amoureux

Viens découvrons toi et moi les plaisirs démodés
Ton coeur contre mon coeur malgé les rythmes fous
Je veux sentir mon corps par ton corps épousé
Dansons joue contre joue
Dansons joue contre joue

Viens noyés dans la cohue mais dissocié du bruit
Comme si sur la terre il n'y avait que nous
Glissons les yeux mi-clos jusqu'au bout de la nuit
Dansons joue contre joue
Dansons joue contre joue

MOURIR D'AIMER
(3:57) (C. Aznavour) - © 1971


Les parois de ma vie sont lisses
Je m'y accroche mais je glisse
Lentement vers ma destinée
Mourir d'aimer
Tandis que le monde me juge
Je ne vois pour moi qu'un refuge
Toutes les issues m'étant condamnées
Mourir d'aimer
Mourir d'aimer
De plein gré s'enfoncer dans la nuit
Payer l'amour au prix de sa vie
Pêcher contre le corps mais non contre l'esprit
Laissant le monde à ses problèmes
Les gens haineux face à eux-mêmes
Avec leurs petites idées
Mourir d'aimer

Puisque notre amour ne peut vivre
Mieux vaut en refermer le livre
Et plutot que de le brûler
Mourir d'aimer
Partir en redressant la tête
Sortir vainqueur d'un défaite
Renverser toutes les données
Mourir d'aimer
Mourir d'aimer
Comme on le peut de n'importe quoi
Abandonner tout derrière soi
Pour emporter que ce qui fut nous, qui fut toi

Tu es le printemps, moi l'automne
Ton coeur se prend , le mien se donne
Et ma route est déjà tracée
Mourir d'aimer

Mourir d'aimer
D'aimer

ET MOI DANS MON COIN
(3:31) (C. Aznavour) - © 1966


Lui il t'observe
Du coin de l'œil
Toi tu t'énerves
Dans ton fauteuil
Lui te caresse
Du fond des yeux
Toi tu te laisses
Prendre à son jeu

Et moi dans mon coin
Si je ne dis rien
Je remarque toutes choses
Et moi dans mon coin
Je ronge mon frein
En voyant venir la fin

Lui il te couve
Fiévreusement
Toi tu l'approuves
En souriant
Lui il te guette
Et je le vois
Toi tu regrettes
Que je sois là

Et moi dans mon coin
Si je ne dis rien
Je vois bien votre manège
Et moi dans mon coin
Je cache avec soin
Cette angoisse qui m'étreint

Lui te regarde
Furtivement
Toi tu bavardes
Trop librement
Lui te courtise
A travers moi
Toi tu te grises
Ris aux éclats

Et moi dans mon coin
Si je ne dis rien
J'ai le cœur au bord des larmes
Et moi dans mon coin
Je bois mon chagrin
Car l'amour change de main