AMSTERDAM
(3:25) (Jacques Brel) - © 1964
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui chantent
Les rêves qui les hantent
Au large d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui dorment
Comme des oriflammes
Le long des berges mornes
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui meurent
Pleins de bière et de drames
Aux premières lueurs
Mais dans le port d'Amsterdam
Y a des Marins qui naissent
Dans le chaleur épaisse
Des langueurs océanes
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui mangent
Sur les nappes trop blanches
Des poissons ruisselants
Ils vous montrent des dents
A croquer la fortune
A décroisser la lune
A bouffer des haubans
Et ça sent la morue
Jusque dans le cœur des frites
Que leurs grosses mains invitent
A revenir en plus
Puis se lèvent en riant
Dans un bruit de tempête
Referment leur braguette
Et sortent en rotant
Dans le port D'Amsterdam
Y a des marins qui dansent
En se frottant la panse
Sur la panse des femmes
Et ils tournent et ils dansent
Comme des soleils crachés
Dans le son déchiré
D'un accordéon rance
Ils se tordent le cou
Pour mieux s'entendre rire
Jusqu'à ce que tout à coup
L'accordéon expire
Alors le geste grave
Alors le regard fier
Ils ramènent leur batave
Jusqu'en pleine lumière
Dans le port d'Amsterdam
Y a des marins qui boivent
Et qui boivent et reboivent
Et qui reboivent encore
Ils boivent à la santé
Des putains d'Amsterdam
De Hambourg ou d'ailleurs
Enfin ils boivent aux dames
Qui leur donnent leur joli corps
Qui leur donnent leur vertu
Pour une pièce en or
Et quand ils ont bien bu
Se plantent le nez au ciel
Se mouchent dans les étoiles
Et ils pissent comme je pleure
Sur les femmes infidèles
Dans le port d'Amsterdam
Dans le port d'Amsterdam
LES TIMIDES
(3:37) (Jacques Brel) - © 1964
Les timides
Ça s'tortille
Ça s'entortille
Ça sautille
Ça slmet en vrille
Ç s'recroqueville
Ça rêve d'être un lapin
Peu importe
D'où ils sortent
Mais feuilles mortes
Quand I'vent les Porte
Devant nos portes
On dirait qu'ils portent
Une valise dans chaque main
Les timides
Suivent l'ombre
L'ombre sombre
De leur ombre
Seule la pénombre
Sait le nombre
De leurs pudeurs de Levantin
Ils se plissent
Ils palissent
Ils jaunissent
Ils rosissent
Ils rougissent
S'écrevissent
Une valise dans chaque main
Mais les timides
Un soir d'audace
Devant leur glace
Rêvant d'espace
Et alors place
Allons Paris tiens toi bien
Et vive la gare
St. Lazare
Mais on s'égare
On s'effare
On s'désempare
Et on repart
Une valise dans chaque main
Les timides
Quand ils chavirent
Pour une Elvire
Ont des soupirs
Ont des désirs
Qu'ils désirent dire
Mai's ils n'osent pas bien
Et leurs mattresses
Plus prêtresses
En ivresse
Qu'en tendresse
Un soir les laisse
Du bout des fesses
Une valise dans chaque main
Les timides
Alors vieillissent
Alors finissent
Se rapetissent
Et quand ils glissent
Dans les Abysses
Je veux dire quand ils meurent
N'osent rien dire
Rien maudire
N'osent frémir
N'osent sourire
Juste un soupir
Et ils meurent
Un' valise sur le cœur
LE DERNIER REPAS
(3:34) (Jacques Brel) - © 1964
À mon dernier repas
Je veux voir mes frère
Et mes chiens et mes chats
Et le bord de la mer
À mon dernier repas
Je veux voir mes voisins
Et puis quelques chinois
En guise de cousins
Et je veux qu'on y boive
En plus du vin de messe
De ce vin si joli
Qu'un buvait en Arbois
Je veux qu'on y dévore
Après quelques soutanes
Une poule faisanne
Venue du Périgord
Puis je veux qu'on m'emmène
En haut de ma colline
Voir les arbres dormir
En refermant leurs bras
Et puis je veux encore
Lancer des pierres au ciel
En criant Dieu est mort
Une dernière fois
À mon dernière repas
Je veux voir mon âne
Mes poules et mes oies
Mes vaches et mes femmes
À mon dernière repas
Je veux voir ces drôlesses
Dont je fus maître et roi
Ou qui furent mes maîtresses
Quand j'aurais dans la panse
De quoi noyer la terre
Je briserai mon verre
Pour faire le silence
Et chant'rai à tue-tête
À la mort qui s'avance
Les paillardes romances
Qui font peur aux nonnettes
Puis je veux qu'on m'emmène
En haut de ma colline
Voir le soir qui chemine
Lentement vers la plaine
Et là debout encore
J'insult'rai les bourgeois
Sans crainte et sans remords
Une dernière fois.
Après mon dernière r'pas
Je veux que l'on s'en aille
Qu'on finisse ripaille
Ailleurs que sous mon toit
Après mon dernière r'pas
Je veux que l'on m'installe
Assis seul comme un roi
Accueillant ses vestales
Dans ma pip'je brûlerai
Mes souvenirs d'enfance
Mes rêves inachevés
Mes restes d'espérance
Et je ne garderai
Pour habiller mon âme
Que l'idée d'un rosier
Et qu'un prénom de femme
Puis je regarderai
Le haut de ma colline
Qui dans' qui se devine
Qui finit par sombrer
Et dans l'odeur des fleurs
Qui bientôt s'éteindra
Je sais que j'aurai peur
Une dernière fois.
LES JARDINS DU CASINO
(3:30) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest) - © 1964
Les musiciens sortent leurs moustaches
Et leurs violons et leurs saxos
Et la polka se met en marche
Dans les jardins du casino
Où glandouillent en papotant
De vieilles vieilles qui ont la gratouille
Et de moins vieilles qui ont la chatouille
Et des messieurs qui ont le temps
Passent aussi, indifférents
Quelques jeunes gens faméliques
Qui sont encore confondant
L'érotisme et la gymnastique
Tout ça dresse une muraille de Chine
Entre le pauvre ami Pierrot
Et sa fugace Colombine
Dans les jardins du casino
Les musiciens frétillent des moustaches
Et du violon et du saxo
Quand la polka guide la démarche
De la beauté du casino
Quelques couples protubérants
Dansent comme des escalopes
Avec des langueurs d'héliotrope
Devant les faiseuses de cancans
Un colonel encivilé
Présente à de fausses duchesses
Compliments et civilités
Et baisemains et ronds de fesses
Tout ça n'arrange pas, on le devine
Les affaires du pauvre Pierrot
Cherchant fugace Colombine
Dans les jardins du casino
Et puis le soir tombe par taches
Les musiciens rangent leurs saxos
Et leurs violons et leurs moustaches
Dans les jardins du casino
Les jeunes filles rentrent aux tanières
Sans ce jeune homme ou sans ce veuf
Qui devait leur offrir la litière
Où elles auraient pondu leur oeuf
Les vieux messieurs rentrent au bercail
Retrouver le souvenir jauni
De leur Madame Bovary
Qu'ils entretiennent vaille que vaille
Et ne demeure que l'opaline
De l'âme du pauvre Pierrot
Pleurant fugace Colombine
Dans les jardins du casino, du casino.
LES VIEUX
(4:10) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest - Jean Corti) - © 1964
Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris on vit rous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leru perlent aux paupières
Et s'ils tremblent u peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit qui qui dit non, qui dit je vous attends
Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
ET s'ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit qui qui dit non, et puis qui les attend
Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre rest là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent en s'exusant déjà de n'être pas plus loin
Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit qui qui dit non, qui leur dit: j'attends
Qui ronronne au salon, qui dit qui qui dit non et puis qui nous attend
LES TOROS
(2:38) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest - Jean Corti) - © 1964
Les toros s'ennuient le dimanche
Quand il s'agit de courir pour nous
un peu de sable du soleil et des planches
Un peu de sang pour faire un peu de boue
C'est l'heure où les épiciers se prennent pour Don Juan
C'est l'heure où les Anglaises se prennent pour Montherlant
Ah !
Qui nous dira à quoi ça pense
Un toro qui tourne et danse
Et s'aperçoit soudain qu'il est tout nu
Ah !
Qui nous dira à quoi ça rêve
Un toro dont l'oeil se lève
Et qui découvre les cornes des cocus
Les totos s'ennuient le dimanche
Quand il s'agit de souffrir pour nous
Voici les picadors et la foule se venge
Voici les toreros la foule est à genoux
C'est l'heure où les épiciers se prennent pour García Lorca
C'est l'heure où les Anglaises se prennent pour la Carmencita
Les toros s'ennuient le dimanche
Quand il s'agit de mourir pour nous
Mais l'épée va plonger et la foule se penche
Mais l'épée a plongé et la foule est debout
C'est l'instant de triomphe où les épiciers se prennent pour Néron
C'est l'instant de triomphe où les Anglaises se prennent pour Wellington
Ah !
Est-ce qu'en tombant à terre
Les toros rêvent d'un enfer
Où bruleraient hommes et toreros défunts
Ah !
Ou bien à l'heure du trépas
Ne nous pardonneraient-ils pas
En pensant à Carthage, Waterloo et Verdun
Verdun
TANGO FUNÈBRE
(3:04) (Jacques Brel / Gérard Jouannest) - © 1964
Ah! je les vois déjà
Me couvrant de baisers
Et s'arrachant mes mains
Et demandant tout bas
Est-ce que la mort s'en vient
Est-ce que la mort s'en va
Est-ce qu'il est encore chaud
Est-ce qu'il est déjà froid?
Ils ouvrent mes armoires
Ils tâtent mes faïences
Ils fouillent mes tiroirs
Se régalant d'avance
De mes lettres d'amour
Enrubannées par deux
Qu'ils liront près du feu
En riant aux éclats
Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!
Ah ! je les vois déjà
Compassés et frileux
Suivant comme des artistes
Mon costume de bois
Ils se poussent du cœur
Pour être le plus triste
Ils se poussent du bras
Pour être le premier
Z'ont amené des vieilles
Qui ne me connaissaient plus
Z'ont amené des enfants
Qui ne me connaissaient pas
Pensent au prix des fleurs
Et trouvent indécent
De ne pas mourir au printemps
Quand on aime le lilas
Ah! Ah!...
Ah! je les vois déjà
Tous mes chers faux amis
Souriant sous le poids
Du devoir accompli
Ah je te vois déjà
Trop triste trop à l'aise
Protégeant sous le drap
Tes larmes lyonnaises
Tu ne sais même pas
Sortant de mon cimetière
Que tu entres en ton enfer
Quand s'accroche à ton bras
Le bras de ton quelconque
Le bras de ton dernier
Qui te fera pleurer
Bien autrement que moi
Ah! Ah!...
Ah! je me vois déjà
M'installant à jamais
Bien triste bien au froid
Dans mon champ d'osselets
Ah! je me vois déjà
Je me vois tout au bout
De ce voyage-là
D'où l'on revient de tout
Je vois déjà tout ça
Et on a le brave culot
D'oser me demander
De ne plus boire que de l'eau
De ne plus trousser les filles
De mettre de l'argent de côté
D'aimer le filet de maquereau
Et de crier vive le roi
Ah! Ah! Ah!...
LE PLAT PAYS
(3:12) (Jacques Brel) - © 1964
Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l'est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien
Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir
Avec le vent d'ouest écoutez le vouloir
Le plat pays qui est le mien
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien
Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut
Avec Frida la blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.
LES BONBONS
(3:08) (Jacques Brel) - © 1964
Je vous ai apporté des bonbons
Parce que les fleurs ça est périssable
Puis les bonbons c'est tellement bon
Bien que les fleurs soient plus présentables
Surtout quand elles sont en boutons
Mais je vous ai apporté des bonbons
J'espère qu'on pourra se promener
Que Madame votre mère ne dira rien
On ira voir passer les trains
A huit heures moi je vous ramènerai
Quel beau dimanche allez pour la saison
Je vous ai apporté des bonbons
Si vous saviez ce que je suis fier
De vous voir pendue à mon bras
Les gens me regardent de travers
Y en a même qui rient derrière moi
Le monde est plein de polissons
Je vous ai apporté des bonbons
Oh! oui! Germaine est moins bien que vous
Oh! oui! Germaine elle est moins belle
C'est vrai que Germaine a des cheveux roux
C'est vrai que Germaine elle est cruelle
Ça vous avez mille fois raison
Je vous ai apporté des bonbons
Et nous voilà sur la grand'place
Sur le kiosque on joue Mozart
Mais dites-moi que ça est par hasard
Qu'il y a là votre ami Léon
Si vous voulez que je cède la place
J'avais apporté de bonbons...
Mais bonjour Mademoiselle Germaine
Je vous ai apporté des bonbons
Parce que les fleurs ça est périssable
Puis les bonbons c'est tellement bon
Bien que les fleurs soient plus présentables
Surtout quand elles sont en boutons
Mais je vous ai apporté des bonbons.
MATHILDE
(2:29) (Jacques Brel / Gérard Jouannest) - © 1964
Ma mère voici le temps venu
D'aller prier pour mon salut
Mathilde est revenue
Bougnat tu peux garder ton vin
Ce soir je boirai mon chagrin
Mathilde est revenue
Toi la servante toi la Maria
Vaudrait peut-être mieux changer nos draps
Mathilde est revenue
Mes amis, ne me laissez pas
Ce soir je repars au combat
Maudite Mathilde puisque te v'là
Mon cœur, mon cœur ne t'emballe pas
Fais comme si tu ne savais pas
Que la Mathilde est revenue
Mon cœur arrête de répéter
Qu'elle est plus belle qu'avant l'été
La Mathilde qui est revenue
Mon cœur arrête de bringuebaler
Souviens-toi qu'elle t'a déchiré
La Mathilde qui est revenue
Mes amis ne me laissez pas
Dites-moi dites-moi qu'il ne faut pas
Maudite Mathilde puisque te v'là
Et vous mes mains restez tranquilles
C'est un chien qui nous revient de la ville
Mathilde est revenue
Et vous mes mains ne frappez pas
Tout ça ne vous regarde pas
Mathilde est revenue
Et vous mes mains ne tremblez plus
Souvenez-vous quand je vous pleurais dessus
Mathilde est revenue
Vous mes mains ne vous ouvrez pas
Vous mes bras ne vous tendez pas
Sacrée Mathilde puisque te v'là
Ma mère arrête tes prières
Ton Jacques retourne en enfer
Mathilde m'est revenue
Bougnat apporte-nous du vin
Celui des noces et des festins
Mathilde m'est revenue
Toi la servante toi la Maria
Va tendre mon grand lit de draps
Mathilde m'est revenue
Amis ne comptez plus sur moi
Je crache au ciel encore une fois
Ma belle Mathilde puisque te v'là te v'là.
LES BIGOTES
(2:43) (Jacques Brel) - © 1964
Elles vieillissent à petits pas
De petits chiens en petits chats
Les bigotes
Elles vieillissent d'autant plus vite
Qu'elles confondent l'amour et l'eau bénite
Comme toutes les bigotes
Si j'étais diable en les voyant parfois
Je crois que je me ferais châtrer
Si j'étais Dieu en les voyant prier
Je crois que je perdrais la foi
Par les bigotes
Elles processionnent à petits pas
De bénitier en bénitier
Les bigotes
Et patati et patata
Mes oreilles commencent à siffler
Les bigotes
Vêtues de noir comme Monsieur le Curé
Qui est trop bon avec les créatures
Elles s'embigotent les yeux baissés
Comme si Dieu dormait sous leurs chaussures
De bigotes
Le samedi soir après le turbin
On voit l'ouvrier parisien
Mais pas de bigotes
Car c'est au fond de leur maison
Qu'elles se préservent des garçons
Les bigotes
Qui préfèrent se ratatiner
De vêpres en vêpres, de messe en messe
Toutes fières d'avoir pu conserver
Le diamant qui dort entre leurs f...
De bigotes
Puis elles meurent à petits pas
A petit feu, en petits tas
Les bigotes
Qui cimetièrent à petits pas
Au petit jour d'un petit froid
De bigotes
Et dans le ciel qui n'existe pas
Les anges font vite un paradis pour elles
Une auréole et deux bouts d'ailes
Et elles s'envolent... à petits pas
De bigotes.
LES BOURGEOIS
(2:53) (Jacques Brel / Jean Corti) - © 1964
Le cœur bien au chaud
Les yeux dans la bière
Chez la grosse Adrienne de Montalant
Avec l'ami Jojo
Et avec l'ami Pierre
On allait boire nos vingt ans
Jojo se prenait pour Voltaire
Et Pierre pour Casanova
Et moi moi qui étais le plus fier
Moi moi je me prenais pour moi
Et quand vers minuit passaient les notaires
Qui sortaient de l'hôtel "Des Trois Faisans"
On leur montrait notre cul et nos bonnes manières
En leur chantant
Les bourgeois c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient bête
Les bourgeois c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient
Le cœur bien au chaud
Les yeux dans la bière
Chez la grosse Adrienne de Montalant
Avec l'ami Jojo
Et avec l'ami Pierre
On allait brûler nos vingt ans
Voltaire dansait comme un vicaire
Et Casanova n'osait pas
Et moi moi qui restais le plus fier
Moi j'étais presque aussi saoul que moi
Et quand vers minuit passaint les notaires
Qui sortaient de l'hôtel "Des Trois Faisans"
On leur montrait notre cul et nos bonnes manières
En leur chantant
Les bourgeois c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient bête
Les bourgeois c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient
Le cœur au repos
Les yeux bien sur terre
Au bar de l'hôtel "Des Trois Faisans"
Avec Maître Jojo
Et avec Maître Pierre
Entre notaires on passe le temps
Jojo parle de Voltaire
Et Pierre de Casanova
Et moi moi moi qui suis resté le plus fier
Moi moi je parle encore de moi
Et c'est en sortant vers minuit Monsieur l' Commissaire
Que tous les soirs de chez la Montalant
De jeunes "peigne-culs" nous montrent leur derrière
En nous chantant
Les bourgeois c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient bête
Disent-ils Monsieur le commissaire
Les bourgeois
Plus ça devient vieux plus ça devient...
JEF
(3:36) (Jacques Brel) - © 1964
Non Jef t'es pas tout seul
Mais arrête de pleurer
Comme ça devant tout le monde
Juste parce qu'une demi-vieille
Parce qu'une fausse blonde
T'a relaissé tomber
Non Jef t'es pas tout seul
Mais tu sais que tu me fais honte
A sangloter comme ça
Bêtement devant tout le monde
Juste parce qu'une trois quarts putain
T'a claqué dans les mains
Non Jef t'es pas tout seul
Mais tu fais honte à voir
Les gens se paient notre tête
Foutons le camp de ce trottoir
Viens Jef viens viens viens
Viens il me reste trois sous
On va aller se les boires
Chez la mère Françoise
Viens Jef viens viens il me reste trois sous
Et si c'est pas assez
Ben il me restera l'ardoise
Puis on ira manger
Des moules et puis des frites
Des frites et puis des moules
Et du vin de Moselle
Et si t'es encore triste
On ira voir les filles
Chez la madame Andrée
Paraît qu'y en a de nouvelles
On rechantera comme avant
On sera bien tous les deux
Comme quand on était jeunes
Comme quand c'était le temps
Que j'avais de l'argent
Non Jef t'es pas tout seul
Mais arrête tes grimaces
Soulève tes cent kilos
Fais bouger ta carcase
Je sais que t'as le cœur gros
Mais il faut le soulever Jef
Non Jef t'es pas tout seul
Mais arrête de sangloter
Arrête de te répandre
Arrête de répéter
Que t'es bon à te foutre à l'eau
Ou que t'es bon à te pendre
Non Jef t'es pas seul
Mais c'est plus un trottoir
Ça devient un cinéma
Où les gens viennent te voir
Viens Jef mais viens viens
Viens il me reste ma guitare
Je t'allumerai pour toi
Et on sera espagnols
Jef viens viens
Comme quand on était mômes
Même que jamais pas ça
Tu imiteras le rossignol Jef
Puis on se trouvera un banc
On parlera de l'Amérique
Où c'est qu'on va aller tu sais
Quand on aura du fric Jef viens
Et si t'es encore triste
Ou rien que si tu en as l'air
Je te raconterai comment
Tu deviendras Rockefeller
On sera bien tous les deux
On rechantera comme avant
Comme quand c'était le temps
Comme quand c'était le temps
D'avant qu'on soit poivrots
Allez viens Jef viens
Oui oui Jef oui viens
AU SUIVANT
(2:46) (Jacques Brel) - © 1964
Tout nu dans ma serviette qui me servait de pagne
J'avais le rouge au front et le savon à la main
Au suivant au suivant
J'avais juste vingt ans et nous étions cent vingt
A être le suivant de celui qu'on suivait
Au suivant au suivant
J'avais juste vingt ans et je me déniaisais
Au bordel ambulant d'une armée en campagne
Au suivant au suivant
Moi j'aurais bien aimé un peu plus de tendresse
Ou alors un sourire ou bien avoir le temps
Mais au suivant au suivant
Ce ne fut pas Waterloo non non mais ce ne fut pas Arcole
Ce fut l'heure où l'on regrette d'avoir manqué l'école
Au suivant au suivant
Mais je jure que d'entendre cet adjudant de mes fesses
C'est des coups à vous faire des armées d'impuissants
Au suivant au suivant
Je jure sur la tête de ma première vérole
Que cette voix depuis je l'entends tout le temps
Au suivant au suivants
Cette voix qui sentait l'ail et le mauvais alcool
C'est la voix des nations et c'est la voix du sang
Au suivant au suivant
Et depuis chaque femme à l'heure de succomber
Entre mes bras trop maigres semble me murmurer
Au suivant au suivant
Tous les suivants du monde devraient se donner la main
Voilà ce que la nuit je crie dans mon délire
Au suivant au suivant
Et quand je ne délire pas j'en arrive à me dire
Qu'il est plus humiliant d'être suivi que suivant
Au suivant au suivant
Un jour je me ferai cul-de-jatte ou bonne soeur ou pendu
Enfin un de ces machins où je ne serai jamais plus
Le suivant le suivant
MADELEINE
(3:14) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest - Jean Corti) - © 1964
Ce soir j'attends Madeleine
J'ai apporté du lilas
J'en apporte toutes les semaines
Madeleine elle aime bien ça
Ce soir j'attends Madeleine
On prendra le tram trente-trois
Pour manger des frites chez Eugène
Madeleine elle aime tant ça
Madeleine c'est mon Noël
C'est mon Amérique à moi
Même qu'elle est trop bien pour moi
Comme dit son cousin Joël
Ce soir j'attends Madeleine
On ira au cinéma
Je lui dirai des (je t'aime)
Madeleine elle aime tant ça
Elle est tenement jolie
Elle est tenement tout ça
Elle est toute ma vie
Madeleine que j'attends là
Ce soir j'attends Madeleine
Mais ii pleut sur mes lilas
Il pleut comme toutes les semaines
Et Madeleine n'arrive pas
Ce soir j'attends Madeleine
C'est trop tard pour le tram trente-trois
Trop tard pour les frites d'Eugène
Et Madeleine n'arrive pas
Madeleine c'est mon horizon
Clest mon Amérique à moi
Même qu'elle est trop bien pour moi
Comme dit son cousin Gaston
Mais ce soir j'attends Madeleine
I1 me reste le cinéma
Je lui dirai des (je t'aime)
Madeleine elle aime tant ça
Elle est tenement jolie
Elle est tenement tout ça
Elle est toute ma vie
Madeleine qui n'arrive pas
Ce soir j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Ce soir j'attendais Madeleine
C,est fichu pour le cinéma
Je reste avec mes (je t'aime)
Madeleine ne viendra pas
Madeleine c'est mon espoir
C'est mon Amérique à moi
Sûr qu'elle est trop bien pour moi
Comme dit son cousin Gaspard
Ce soir j'attendais Madeleine
Tiens le dernier tram s'en va
On doit fermer chez Eugène
Madeleine ne viendra pas
Elle est tenement jolie
Elle est tenement tout ça
Elle est toute ma vie
Madeleine qui ne viendra pas
Demain j'attendrai Madeleine
Je rapporterai du lilas
J'en rapporterai toute la semaine
Madeleine elle aimera ça
Demain j'attendrai Madeleine
On prendra le tram trente-trois
Pour manger des frites chez Eugène
Madeleine elle aimera ça
Madeleine c'est mon espoir
C'est mon Amérique à moi
Tant pis si elle est trop bien pour moi
Comme dit son cousin Gaspard
Demain j'attendrai Madeleine
On ira au cinéma
Je lui dirai des (je t'aime)
Madeleine elle aimera ça