JAURÈS
(3:38) (Jacques Brel) - © 1977


Ils étaient usés à quinze ans
lls finissaient en débutant
Les douze mois s'appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grands-parents
Entre l'absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laisse au visage un teint de cendre
Oui, not' Monsieur oui not' bon Maître
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

On ne peut pas dire qu'ils furent esclaves
De là à dire qu'ils ont vécu
Lorsque l'on part aussi vaincu
C'est dur de sortir de l'enclave
Et pourtant l'espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux yeux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu'à la vieillesse
Oui not' bon Maitre oui not' Monsieur
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Si par malheur ils survivaient
C'était pour partir à la guerre
C'était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelques sabreurs
Qui exigeaient du bout des lèvres
Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur
Leurs vingt ans qui n'avaient pu naitre
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui not' bon Maître
Couvert de prêtres oit not' Monsieur

Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenir
Le temps du souffle d'un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

LA VILLE S'ENDORMAIT
(4:37) (Jacques Brel) - © 1977


La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom

Et la nuit peu à peu
Et le temps arrêté
Et mon cheval boueux
Et mon corps fatigué
Et la nuit bleu à bleu
Et l'eau d'une fontaine
Et quelques cris de haine
Versés par quelques vieux
Sur de plus vieilles qu'eux
Dont le corps s'ensommeille

La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom

Et mon cheval qui boit
Et moi qui le regarde
Et ma soif qui prend garde
Qu'elle ne se voie pas
Et la fontaine chante
Et la fatigue plante

Son couteau dans mes reins
Et je fais celui-là
Oui est son souverain
On m'attend quelque part
Comme on attend le roi
Mais on ne m'attend point
Je sais depuis déjà
Oue l'on meurt de hasard
En allongeant le pas

La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom

Il est vrai que parfois
Près du soir les oiseaux
Ressemblent à des vagues
Et les vagues aux oiseaux
Et les hommes aux rires
Et les rires aux sanglots
Il est vrai que souvent
La mer se désenchante
Je veux dire en cela
Qu'elle chante d'autres chants
Que ceux que la mer chante
Dans les livres d'enfants

Mais les femmes toujours
Ne ressemblent qu'aux femmes
Et d'entre elles les connes
Ne ressemblent qu'aux connes
Et je ne suis pas bien sûr
Comme chante un certain
Qu'elles soient l'avenir de l'homme

La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait
La ville s'endormait
Et j'en oublie le nom

Et vous êtes passée
Demoiselle inconnue
A deux doigts d'être nue
Sous le lin qui dansait.

VIEILLIR
(3:44) (Jacques Brel / Jacques Brel - Gérard Jouannest) - © 1977


Mourir en rougissant
Suivant la guerre qu'il fait.
Du fait des Allemands
A cause des Anglais

Mourir baiseur intègre
Entre les seins d'une grosse
Contre les os d'une maigre
Dans un cul de basse fosse

Mourir de frissonner,
Mourir de se dissoudre.
De se racrapoter.
Mourir de se découdre

Ou terminer sa course.
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué à la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
Fn chantant « Amsterdam »
Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir... ô vieillir'

Mourir mourir de rire
C'est possiblement vrai
D'ailleurs la preuve en est
Qu'ils n'osent plus trop rire

Mourir de faire le pitre
Pour dérider le désert
Mourir face au cancer
Par arrêt de l'arbitre

Mourir sous le manteau
Tellement anonyme
Tellement incognito
Que meurt un synonyme

Ou terminer sa course 
La nuit de ses cent ans 
Vieillard tonitruant 
Soulevé par quelques femmes 
Cloué à la Grande Ourse 
Cracher sa dernière dent En chantant « Amsterdam »

Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir, ô vieillir

Mourir couvert d'honneurs
Et ruisselant d'argent
Asphyxié sous les fleurs
Mourir en monument

Mourir au bout d'une blonde
Là où rien ne se passe 
Où le temps nous dépasse 
Où le lit tombe en tombe

Mourir insignifiant
Au fond d'une tisane
Entre un médicament
Et un fruit qui se fane

Ou terminer sa course
La nuit de ses cent ans
Vieillard tonitruant
Soulevé par quelques femmes
Cloué á la Grande Ourse
Cracher sa dernière dent
En chantant « Amsterdam »
Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir... ô vieillir !

LE BON DIEU
(4:45) (Jacques Brel) - © 1977


Toi,
Toi si tu étais le Bon Dieu
Tu ferais valser les vieux
Aux étoiles
Toi, toi si tu étais le Bon Dieu
Tu allumerais des bals
Pour les gueux

Toi,
Si tu étais le Bon Dieu
Tu ne serais pas économe
De ciel bleu
Mais tu n'es pas le Bon Dieu
Toi tu es beaucoup mieux
Tu es un homme
Tu es un homme
Tu es un homme.

LES F...
(3:29) (Jacques Brel / Joe Donato) - © 1977


Les Flamingants chanson comique...

Messieurs les Flamingants j'ai deux mots à vous rire
Il y a trop longtemps que vous me faites frire
À vous souffler dans le cul pour devenir autobus
Vous voilà acrobates mais vraiment rien de plus
Nazis durant les guerres et catholiques entre elles
Vous oscillez sans cesse du fusil au missel
Vos regards sont lointains votre humour est exsangue
Bien qu'il y ait des rues à Gand qui pissent dans les deux langues
Tu vois quand je pense à vous j'aime que rien ne se perde
Messieurs les Flamingants je vous emmerde

Vous salissez la Flandre mais la Flandre vous juge
Voyez la Mer du Nord elle s'est enfuie de Bruges
Cessez de me gonfler mes vieilles roubignoles
Avec votre art flamand italo-espagnol
Vous êtes tellement tellement beaucoup trop lourds
Que quand les soirs d'orage des Chinois cultivés
Me demandent d'où je suis je réponds fatigué
Et les larmes aux dents "Ik ben van Luxembourg"
Et si aux jeunes femmes on ose un chant flamand
Elles s'envolent en rêvant aux oiseaux roses et blancs

Et je vous interdis d'espérer que jamais
À Londres sous la pluie on puisse vous croire anglais
Et je vous interdis à New York ou Milan
D'éructer mes seigneurs autrement qu'en flamand
Vous n'aurez pas l'air con vraiment pas con du tout
Et moi je m'interdis de dire que je m'en fous
Et je vous interdis d'obliger nos enfants
Qui ne vous ont rien fait à aboyer flamand
Et si mes frères se taisent et bien tant pis pour elle
Je chante persiste et signe je m'appelle Jacques Brel.

ORLY
(4:20) (Jacques Brel) - © 1977


Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu'eux deux
La pluie les a soudés
Semble-t-il l'un à l'autre
Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu'eux deux
Et je les sais qui parlent
Il doit lui dire je t'aime
Elle doit lui dire je t'aime
Je crois qu'ils sont en train
De ne rien se promettre
Ces deux-là sont trop maigres
Pour être malhonnêtes

Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu'eux deux
Et brusquement il pleure
Il pleure à gros bouillons
Tout entourés qu'ils sont
D'adipeux en sueur
Et de bouffeurs d'espoir
Qui les montrent du nez
Mais ces deux déchirés
Superbes de chagrin
Abandonnent aux chiens
L'exploit de les juger

La vie ne fait pas de cadeau
Et nom de Dieu c'est triste Orly
Le dimanche
Avec ou sans Bécaud

Et maintenant ils pleurent
Je veux dire tous les deux
Tout à l'heure c'était lui
Lorsque je disais &laqno; il »
Tout encastrés qu'ils sont
Ils n'entendent plus rien
Que les sanglots de l'autre
Et puis,
Et puis infiniment
Comme deux corps qui prient
Infiniment lentement
Ces deux corps se séparent
Et en se séparant
Ces deux corps se déchirent
Et je vous jure qu'ils crient
Et puis ils se reprennent
Redeviennent un seul
Redeviennent le feu
Et puis se redéchirent
Se tiennent par les yeux
Et puis cn reculant
Comme la mer se retire
Il consomme l'adieu
Il bave quelques mots
Agite une vague main
Et brusquement il fuit
Fuit sans se retourner
Et puis il disparaît
Bouffé par l'escalier

La vie ne fait pas de cadeau
Et nom de Dieu c'est triste Orly
Le dimanche
Avec ou sans Bécaud

Et puis il disparaît
Bouffé par l'escalier
Et elle, elle reste là
Coeur en croix, bouche ouverte
Sans un cri sans un mot
Elle connaît sa mort
Elle vient de la croiser
Voilà qu'elle se retourne
Et se retourne encore
Ses bras vont jusqu'à terre

Ça y est elle a mille ans
La porte est refermée
La voilà sans lumière
Elle tourne sur elle-mème
Et déjà elle sait
Qu'elle tournera toujours
Elle a perdu des hommes
Mais là elle perd un amour
L'amour le lui a dit
Revoilà l'inutile
Elle vivra de projets
Qui ne feront qu'attendre
La revoilà fragile
Avant que d'être à vendre

Je suis là je la suis
Je n'ose rien pour elle
Que la foule grignote
Comme un quelconque fruit.

LES REMPARTS DE VARSOVIE
(4:06) (Jacques Brel) - © 1977


Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie
Madame promène son cœur sur les ringards de sa folie
Madame promène son ombre sur les grand-places de I'Italie
Je trouve que Madame vit sa vie
Madame promène à l'aube les preuves de ses insomnies
Madame promène à cheval ses états d'âme et ses lubies
Madame promène un con qui assure que Madame est jolie
Je trouve que Madame est servie

Tandis que moi tous les soirs
Je suis vestiaire à l'Alcazar

Madame promène l'été jusque dans le Midi de la France
Madame promène ses seins jusque dans le Midi de la chance
Madame promène son spleen tout au long du lac de Constance
Je trouve Madame de circonstance
Madame promène son chien un boudin noir nommé Byzance
Madame traîne son enfance qui change selon les circonstances
Madame promène partout son accent russe avec aisance
C'est vrai que Madame est de Valence

Tandis que moi tous les soirs
Je suis barman à l'Alcazar

Madame promène son cheveu qui a la senteur des nuits de Chine
Madame promène son regard sur tous les vieux qui ont des usines
Madame promène son rire comme d'autres promènent leur vaseline
Je trouve que Madame est coquine
Madame promène ses cuites de verre en verre de fine en fine
Madame promène les gènes de vingt mille officiers de marine
Madame raconte partout que l'on m'appelle tata Jacqueline
Je trouve Madame mauvaise copine

Tandis que moi tous les soirs
Je suis chanteuse légère à l'Alcazar

Madame promène ses mains dans les différents corps d'armée
Madame promène mes sous chez des demi-sels de bas quartier
Madame promène carrosse qu'elle voudrait bien me voir tirer
Je trouve que Madame est gonflée
Madame promène banco qu'elle veut bien me laisser régler
Madame promène bijoux qu'elle veut bien me faire facturer
Madame promène ma Rolls que poursuivent quelques huissiers
Je trouve que Madame est pressée

Tandis que moi tous les soirs
Je fais la plonge à l'Alcazar.

VOIR UN AMI PLEURER
(3:55) (Jacques Brel) - © 1977


Bien sûr il y a les guerres d'Irlande
Et les peuplades sans musique
Bien sûr tout ce manque de tendre
Et il n'y a plus d'Amérique
Bien sûr l'argent n'a pas d'odeur
Mais pas d'odeur vous monte au nez
Bien sûr on marche sur les fleurs
Mais, mais voir un ami pleurer

Bien sûr il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout
Le corps incline déjà la tête
Etonné d'être encore debout
Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cÏurs perdent leurs ailes
Mais, mais voir un ami pleurer

Bien sûr ces villes épuisées
Par ces enfants de cinquante ans
Notre impuissance à les aider
Et nos amours qui ont mal aux dents
Bien sûr le temps qui va trop vite
Ces métros remplis de noyés
La vérité qui nous évite
Mais, mais voir un ami pleurer

Bien sûr nos miroirs sont intègres
Ni le courage d'être juif
Ni l'élégance d'être nègre
On se croit mèche, on n'est que suif
Et tous ces hommes qui sont nos frères
Tellement qu'on n'est plus étonné
Que par amour ils nous lacèrent
Mais, mais voir un ami pleurer

KNOKKE-LE-ZOUTE TANGO
(5:11) (Jacques Brel) - © 1977


Les soirs où je suis Argentin
Je m'offre quelques Argentines
Quitte à cueillir dans les vitrines
Des jolis quartiers d'Amsterdam
Des lianes qui auraient ce teint de femme
Qu'exportent vos cités latines
Ces soirs-là je les veux félines
Avec un rien de brillantine
Collé au cheveu de la langue
Elles seraient fraîches comme des mangues
Et compenseraient leurs maladresses
A coups de poitrine et de fesses

Mais ce soir y a pas d'Argentines
Y a pas d'espoir
Et y a pas de doute
Ce soir il pleut sur Knokke-le-Zoute
Ce soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moi
Le cœur en déroute
Et la bite sous le bras

Les soirs où je suis espagnol
Petites fesses grande bagnole
Elles passent toutes à la casserole
Quitte à pourchasser dans Hambourg
Des Carmencitas de faubourg
Qui nous reviennent de vérole
Je me les veux fraîches et joyeuses
Bonnes travailleuses sans parlote
Mi-andalouses mi-onduleuses
De ces femelles qu'on gestapotte
Parce qu'elles ne savent pas encore
Que Franco est tout à fait mort

Mais ce soir y a pas d'Espagnoles
Y a pas de casserole
Et y a pas de doute, non
Ce soir il pleut sur Knokke-le-Zoute
Ce soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moi
Le cœur en déroute
Et la bite sous le bras

Les soirs où je suis Caracas
Je Panama je Partagas
Je suis le plus beau je pars en chasse
Je glisse de palace en palace
Pour y dénicher le gros lot
Qui n'attend que mon coup de grâce
Je la veux folle comme un travelo
Découverte de vieux rideaux
Mais cependant évanescente
Elle m'attendrait depuis toujours
Cerclée de serpents et de plantes
Parmi les livres de Dutourd

Mais ce soir y a pas de Caracas
Y a pas de t'évanescente
Et y a pas de doute, non
Ce soir il pleut sur Knokke-le-Zoute
Ce soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moi
Le cœur en déroute
Et la bite sous le bras

Mais
Demain
Oui peut-être que
Peut-être que demain
Je serai argentin
Oui
Je m'offrirai des Argentines
Quitte à cueillir dans les vitrines
Des jolis quartiers d'Amsterdam
Des lianes qui auraient ce teint de femme
Qu'exportent vos cités latines
Demain je les voudrai félines
Avec ce rien de brillantine
Collé au cheveu de la langue
Elles seront fraîches comme des mangues
Et compenseront leurs maladresses
A coups de poitrine et de fesses

Demain je serai espagnol
Petites fesses grande bagnole
Elles passeront toutes à la casserole
Quitte à pourchasser dans Hambourg
Des Carmencitas de faubourg
Qui nous reviendront de vérole
Je les voudrais fraîches et joyeuses
Bonnes travailleuses sans parlote
Mi-andalouses mi-onduleuses
De ces femelles qu'on gestapotte
Parce qu'elles ne savent pas encore
Que Franco est tout à fait mort

Les soirs où je suis Caracas
Je Panama je Partagas
Je suis le plus beau je pars en chasse
Je glisse de palace en palace
Pour y dénicher le gros lot
Qui n'attend que mon coup de grâce
Je la veux folle comme un travelo
Découverte de vieux rideaux
Mais cependant évanescente
Elle m'attendrait depuis toujours
Cerclée de serpents et de plantes
Parmi les livres de Dutourd.

JOJO
(3:14) (Jacques Brel) - © 1977


Jojo,
Voici donc quelques rires
Quelques vins quelques blondes
J'ai plaisir à te dire
Que la nuit sera longue
A devenir demain
Jojo,
Moi je t'entends rugir
Quelques chansons marines
Où des Bretons devinent
Que Saint-Cast doit dormir
Tout au fond du brouillard

Six pieds sous terre Jojo tu chantes encore
Six pieds sous terre tu n'es pas mort

Jojo,
Ce soir comme chaque soir
Nous refaisons nos guerres
Tu reprends Saint-Nazaire
Je refais l'Olympia
Au fond du cimetière
Jojo,
Nous parlons en silence
D'une jeunesse vieille
Nous savons tous les deux
Que le monde sommeille
Par manque d'imprudence

Six pieds sous terre Jojo tu espères encore
Six pieds sous terre tu n'es pas mort

Jojo,
Tu me donnes en riant
Des nouvelles d'en bas
Je te dis" mort aux cons"
Bien plus cons que toi
Mais qui sont mieux portants
Jojo,
Tu sais le nom des fleurs
Tu vois que mes mains tremblent
Et je te sais qui pleure
Pour noyer de pudeur
Mes pauvres lieux communs

Six pieds sous terre Jojo tu frères encore
Six pieds sous terre tu n'es pas mort

Jojo.
Je te quitte au matin
Pour de vagues besognes
Parmi quelques ivrognes
Des amputés du cœur
Qui ont trop ouvert les mains
Jojo,
Je ne rentre plus nulle part
Je m'habille de nos rêves
Orphelin jusqu'aux lèvres
Mais heureux de savoir
Que je te viens déjà

Six pieds sous terre Jojo tu n'es pas mort
Six pieds sous terre Jojo je t'aime encore.

LE LION
(3:29) (Jacques Brel) - © 1977


Ça fait cinq jours ça fait cinq nuits
Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne
Appelle, appelle la lionne
Ça fait cinq jours ça fait cinq nuits
Qu'en deçà du fleuve qui bouillonne
Répond le lion à la lionne

Vas-y pas Gaston
Même si elle te raconte
Que sa mère est gentille
Vas-y pas Gaston
Même si elle ose te dire
Qu'elle t'aime pour la vie
Vas-y pas Gaston
Même si elle te supplie
De l'emmener à la ville
Elle sera ta Manon T
u seras son Des Grieux
Vous serez deux imbéciles

Ça fait dix jours ça fait dix nuits

Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne

Appelle appelle la lionne
Ça fait dix jours ça fait dix nuits
Qu'en deçà du fleuve qui bouillonne
Répond le lion à la lionne

Vas-y pas Gaston
Arrête de remuer la queue
Y faut qu'elle s'impatiente
Fais celui qui a le temps
Celui qui est débordé
Mets-la en liste d'attente
Vas-y pas Gaston
Un lion doit être vache
Dis-lui que tu es en plein rush
Souviens-toi de Paulo
Qui nous disait toujours
Too much c'est too much

Ça fait vingt jours ça fait vingt nuits
Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne
Appelle appelle la lionne
Ça fait vingt jours ça fait vingt nuits
Qu'en deçà du fleuve qui bouillonne
Répond le lion à la lionne

Vas-y pas Gaston
Mème si elle te signale
Qu'y en a un autre en vue
Un qui est jeune qui est beau
Qui danse comme un dieu
Qui a de la tenue
Un qui a de la crinière
Qui est très intelligent
Et qui va faire fortune
Un qui est généreux
Un qui que quand elle veut
Lui offrira la lune

Ça fait une heure et vingt minutes
Qu'au-delà du fleuve qui bouillonne
Appelle appelle la lionne
Ça fait une heure et vingt minutes
Que dans le fleuve qui bouillonne
Un lion est mort pour une lionne

Jacques,Jacques
Euh oui, oui
Jacques
C'est, c'est moi qu'on appelle ?
Jacques, Jacques,
Oui, oui, je suis là, oui

Jacques,Jacques
...

LES MARQUISES
(3:52) (Jacques Brel) - © 1977


Ils parlent de la mort comme tu parles d'un fruit
Ils regardent la mer comme tu regardes un puits
Les femmes sont lascives au soleil redouté
Et s'il n'y a pas d'hiver cela n'est pas l'été
La pluie est traversière elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin
Et par manque de brise le temps s'immobilise

Du soir montent des feux et des points de silence
Qui vont s'élargissant et la lune s'avance
Et la mer se déchire infiniment brisée
Par les rochers qui prirent des prénoms affolés
Et puis plus loin des chiens des chants de repentance
Et quelques pas de deux et quelques pas de danse
Et la nuit est soumise et l'alizé se brise
Aux Marquises

Le rire est dans le cœur le mot dans le regard
Le cœur est voyageur l'avenir est au hasard
Et passent des cocotiers qui écrivent des chants d'amours
Que les soeurs d'alentour ignorent d'ignorer
Les pirogues s'en vont les pirogues s'en viennent
Et mes souvenirs deviennent ce que les vieux en font
Veux-tu que je te dise gémir n'est pas de mise
Aux Marquises.